C’est à ce moment-là, après avoir échangé nos @ respectifs, qu’Inès et moi avons commencé à converser de plus en plus régulièrement, se trouvant petit à petit des points communs en matière de culture, de mode mais aussi de valeurs à défendre, de messages à porter et de combats à mener. Au point qu’un jour, avec le franc-parler et l’audace attendrissante qu’on lui connaît, Inès se glisse dans mes DM Insta et me fait part, grâce à une note vocale (son outil de communication préférée), de son envie d’être shootée et interviewée dans le prochain numéro de Mixte. “Shooting, interview + cover, bien sûr, hein baby ? On va breaker Internet ! Ça va être chantmé !” me dit-elle d’un ton à la fois enjoué et tout aussi entreprenant. À ce moment-là, dans ma tête, ça fait “clic”. Je me dis : “Et pourquoi pas ? !” Car après une courte réflexion, la proposition d’Inès, en plus de tomber à point nommé, fait terriblement sens dans mon esprit, puisque, chez Mixte, cela fait un moment que nous débattons en conférence de rédaction sur l’éventualité ou non de remettre des célébrités en couverture du magazine après avoir exclusivement réservé pendant des années nos covers aux images tirées de nos grandes séries mode. Cette suggestion d’Inès est donc l’occasion pour nous de passer à l’acte, d’entamer quelque chose de challengeant. Et, qui plus est, qui mieux qu’Inès, compte tenu de son parcours, pour donner vie à la notion d’empowerment, thème développé et décrypté au fil des pages de ce numéro Fall-Winter 2022-2023 ?
Quand je lui ai demandé ce que la notion d’empowerment évoquait pour elle, Inès m’a répondu sans prétention et sans détour. “C’est pas très sophistiqué ni original comme réponse, mais pour moi, l’empowerment, c’est d’abord lié à l’idée de puissance. Comme sa racine étymologique “power“ (pouvoir, en français, ndlr) l’indique, tout simplement. C’est une puissance qu’on a en chacun.e de nous et qui peut être nourrie, entretenue et finalement utilisée pour s’accepter, s’élever, se renforcer et/ou s’affirmer. C’est tout bête, mais c’est ça. Et ça s’applique à tous les domaines et à toutes les personnes. Par exemple, quand on parle spécifiquement de female empowerment ou de woman empowerment, on parle bien de l’idée de se libérer d’un carcan masculin, mais aussi de se réapproprier sa puissance et son pouvoir en tant que femme dans une société machiste et patriarcale.” Bingo ! Si le processus d’empowerment peut en effet prendre diverses formes et s’appliquer à différentes catégories de personnes et d’environnements, Inès en est la preuve vivante, tant son histoire personnelle et son identité sont à l’intersectionnalité de différentes injustices et discriminations. Eh oui, parce qu’en plus d’être une femme, elle est aussi une femme trans, d’origine arabe de surcroît. Ce qui oblige Inès à se battre contre les attaques sexistes, transphobes et/ou racistes qu’elle subit, tout en essayant de braver les obstacles qui sont malheureusement toujours dressés dans notre société, qu’ils soient psychologiques, corporels, physiques, sexuels ou socioculturels. Une vie très vite mouvementée qui lui a fait finalement prendre conscience assez tôt du besoin d’entretenir des valeurs de solidarité et de défendre le plus possible le concept de convergence des luttes, tout en comprenant et déconstruisant les systèmes de dominance et de hiérarchisation des populations. Pas étonnant qu’on l’ait aperçue à la marche antiraciste et antiviolences policières “Vérité et Justice pour Adama”, organisée le 13 juin 2020 sur la place de la République à Paris. Inès brandissait alors fièrement une pancarte “Black Trans Lives Matter”, scandant à plusieurs reprises ledit slogan à la foule à l’aide de son mégaphone, le tout avec une énergie débordante et une joie communicative dignes d’une ado groupie qui se serait retrouvée face à son idole.