Le vent souffle dans la cour de la Caserne, l’écrin de la mode durable situé dans le 11e arrondissement de Paris. Jeanne Friot se tient sur le palier du deuxième étage, à l’entrée du bureau de sa marque éponyme lancée en 2020, quelque mois avant la pandémie de Covid-19. Emmitouflée dans un épais manteau, cheveux blond platine, elle allume une cigarette, file vers l’escalier avec l’allure d’une leader punk au milieu de son royaume de la mode durable. Comme ces femmes aux lèvres rouges et à la verve d’acier, Jeanne mène de front sa carrière, et fait de la mode son véhicule pour défendre les causes Queer et LGBTQIA+ : “Je suis une femme, mais je ne fais pas de la mode féminine – ce qui est encore dur à entendre pour certain·e·s. Je propose un vestiaire non genré et je me bats pour fabriquer en France avec plus de 95 % de textile recyclé. C’est difficile, mais j’adore ça”, affirme-t-elle. Diplômée de Duperré et de l’Institut français de la mode, Jeanne se nourrit de ses multiples expériences pour construire son autonomie. En travaillant pour APC, Kitsuné, Wanda Nylon et Balenciaga, elle affûte ses connaissances, observe les manquements et peaufine son discours. Et ça marche. En juin dernier, son nom était sur toutes les lèvres de la Fashion Week parisienne après une présentation camp, hommage à l’éthos de la fête. Couronnée du titre de “jeune créatrice de la mode durable et non binaire”, elle continue la bataille, nourrie de l’énergie des femmes artistes, de celles de son quotidien et de celleux qui partagent sa vie et se battent pour défendre leurs identités fluides et hors classification patriarcale.