M. Qu’a changé ta sélection en tant que finaliste du prix LVMH 2019 ?
K. I. Je l’ai vécue comme une validation de la part de l’industrie, ce qui est précieux pour la croissance de mon entreprise. La compétition ne m’intéressait pas tellement, j’envisageais ça surtout comme une opportunité de rencontrer des personnes importantes et passionnées du secteur, dont beaucoup sont devenues des amies depuis. Je me souviens encore du sentiment de reconnaissance dont j’étais empli à l’idée de décoller de Lagos pour aller à Paris avec tous ces vêtements chargés de culture et d’histoire.
M. Tu vas bientôt sortir ta collection en collaboration avec la maison Karl Lagerfeld. Comment voyais-tu Karl avec tes yeux de jeune créateur ?
K. I. C’était surtout le designer, la marque que je voyais, pas tant l’homme. Par le passé, j’ai eu un boss qui était fan de son travail, et qui m’a donné envie de m’intéresser à ce génie créatif. Ce qui m’impressionnait le plus chez lui, c’est son éthique de travail doublée de sa passion. Il faisait en sorte que ses fantasmes de mode deviennent réels. Et ce, dans différentes maisons à la fois, c’est ce qui est le plus impressionnant. J’avais énormément d’admiration et de respect pour lui. Collaborer aujourd’hui avec la maison qui porte son nom, je n’en reviens en fait toujours pas. C’est quelque chose que je n’aurais même jamais cru possible, encore moins dans ces circonstances sanitaires et sociales. Cette collaboration m’a permis de rencontrer et de travailler avec tellement de talents ! Cela me rend sentimental. Je crois en la sincérité de mon message, en la qualité de son exécution, et donc j’ai hâte que le plus grand nombre puisse en profiter. Les marques Karl Lagerfeld et Kenneth Ize ont en commun la passion du travail bien fait. C’est ce qui a rendu notre collaboration fructueuse malgré les circonstances compliquées par la pandémie de Covid-19.
M. Que voulais-tu transmettre en particulier dans cette collaboration ?
K. I. Mes origines, avant tout ! Et continuer d’œuvrer pour la diversité et l’inclusion. Je souhaite que ma marque, à l’image de cette collaboration, continue d’être un espace ouvert à toutes les formes d’expression. Je n’ai pas une pièce préférée, par exemple, car chacune d’entre elles, chaque look, constitue un chapitre d’une histoire à l’échelle de cette collection capsule. Je l’ai pensée comme un tout cohérent, même si j’ai encore tant de choses à dire !
M. Tu redoutes d’être perpétuellement perçu comme un designer émergent ?
K. I. On me demande souvent qui sont mes designers préféré.e.s, mais la vérité, c’est que je n’en ai pas. J’ai toujours eu du mal à considérer les grands créateurs européens comme des modèles, car je ne pensais même pas qu’il me serait possible de travailler dans ce genre d’entreprise. C’est aussi pour ça que j’ai créé ma propre maison : pour être sûr de ne pas me sentir exclu. Et que ça n’arrive plus à d’autres personnes. Je sais que ma marque est chargée d’Histoire, d’artisanat, de patrimoine. Depuis sa fondation, Kenneth Ize est une “heritage brand”. Si les gens me perçoivent éternellement comme un designer émergent, ça les regarde. Ça ne me dérange pas, car émerger signifie croître : je compte bien continuer d’apprendre et de grandir le plus longtemps possible. Au final, je m’amuse tellement aujourd’hui en tant que designer émergent, que je serais ravi de garder cet état d’esprit pour toujours.