Dans son post, Scully ajoute, après avoir qualifié les accusés de “serial abusers” : “Comme à leur habitude (Maida et Rami) sont partis déjeuner et ont éteint les lumières dans les escaliers (…) ; les filles ne pouvaient s’éclairer qu’avec leur portable. Ce n’était pas seulement sadique et cruel, mais dangereux. Plusieurs des filles avec qui j’en ai parlé ont été traumatisées”. Évidemment, cette nouvelle méthode d’alerte n’est pas approuvée par tout le monde et peut même comporter des risques. “Les réseaux sociaux sont bien plus immédiats que la presse traditionnelle, et touchent davantage de monde. C’est une épée à double tranchant, décrypte Julie Zerbo. Certes, Instagram, Twitter et les autres plateformes incitent les gens à parler, mais la parole, qui est souvent mise entre les mains de gens sans expérience et qui, de surcroît, passe par le filtre du profil personnel, exige un narratif plus émotionnel que factuel. Il y manque l’armée de fact-checkers, de rédacteurs, d’éditeurs et de conseil légal d’un journal”. Un cocktail parfois dangereux qui peut engendrer erreurs, fausses accusations, intimidations de la part d’un tiers et, à terme, la décrédibilisation du mouvement. Voilà pourquoi aujourd’hui les comptes offrant une plateforme aux lanceurs d’alertes de toutes sortes se mettent eux-mêmes en garde et tentent de justifier leurs pratiques.
Machine arrière
“Nos sources sont nos abonnés. Nous essayons toujours de vérifier leurs infos, et si quelque chose a l’air louche, nous ne publions pas”, explique le collectif anonyme derrière Estée Laundry, l’équivalent beauté de Diet Prada qui, en janvier dernier, reconsidérait ses méthodes après avoir publié des infos personnelles sur Brandon Truaxe, fondateur de la marque de cosmétiques Deciem, décédé depuis peu. “C’était une grosse erreur de notre part, admet le collectif. À ce jour, nous n’avons plus jamais partagé d’infos personnelles sur notre compte.” Diet Prada s’est déjà retrouvé dans des situations similaires, publiant parfois des disputes personnelles avec des créateurs comme Stefano Gabbana. Le duo (qui n’a pas répondu à nos demandes d’interview) a aussi été controversé à cause de ses liens professionnels avec des marques comme Prada ou Gucci qui annoncent sur son compte en période de Fashion Week. “Il est ici question de savoir si on veut reproduire ou pas les erreurs de l’establishment qu’on s’est efforcé de dénoncer… Et puis les méchancetés à un niveau personnel, ce n’est vraiment pas cool”, concède Dana Thomas. Au-delà des quelques erreurs et défaillances d’un anti- système justicier encore balbutiant, la loi du silence et les menaces semblent avoir encore le pouvoir de fermer la bouche des lanceurs d’alerte.