Texte :  Florence Vaudron

Le designer british a une nouvelle fois choisi le format papier pour présenter sa dernière collection, ce qui lui réussit plutôt très bien depuis six saisons. Associé au photographe Juergen Teller, c’est sous la forme d’un calendrier qu’il a présenté sa collection femme SS22. Jouant sur les clichés de ce format, les modèles et le photographe lui-même jouent les apprentis mécanos et roulent des mécaniques.

JW Anderson semble se plaire loin des podiums et continue sur sa lancée de « shows-DIY », envoyés directement à l’adresse des intéressés, débutée il y a 6 saisons maintenant avec l’arrivée de Miss Rona dans nos vies. La fashion sphere a pris le pli et tous attendent la dernière collection du créateur et de savoir sous quelle forme celle-ci va leur parvenir entre les mains avec la même excitation qu’une veille de 24 décembre. Le designer anglais semble avoir retrouvé son âme d’enfant, et nous aussi par la même occasion. Après un show présenté sous la format d’un journal papier, un autre livré sous la forme d’une boite avec des miniatures à assembler, « show-in-a-box »,  ou encore pour sa collection SS21, sous la forme d’immenses posters à coller aux murs sois-même, « show-on-a-wall », JW Anderson a opté pour présenter SS22 un classique : le calendrier.

Photographié par Juergen Teller – c’est la 4ème collaboration entre le photographe allemand et JW Anderson- le calendrier présente deux looks par mois, l’un au verso, l’autre au recto. Pour parfaire ce grand classique qu’est le format calendrier, les deux créatifs ont décidé de se jouer de ce vieux cliché qui veut que tout bon atelier de réparation automobile ait forcément un calendrier (plus il est kitsch, mieux c’est) accroché à ses murs. Dans un décor « mécano », un magasin de pneus de la banlieue de Londres, Juergen Teller a immortalisé les robes en maille et les sacs déstructurés de la collection femme SS22 entre taches d’huile et amoncellements de pneus. Jamais en reste, le photographe allemand a lui aussi son propre mois dans le calendrier, avec un look basique et tout terrain, le fameux slip noir.

La série met en scène une multitude de contrastes, du côté des looks, avec des tops en crinoline qui s’opposent aux robes en cuir et aux pantalons en denim japonais, jusqu’au décor, brut, illuminé par la délicatesse des modèles Mona Tougaard et Abby Champion.

Guidé par l’idée de minimalisme, Jonathan Anderson s’est intéressé à la robe droite pour cette collection printemps-été 2022. “Bizarrement, quand on est designer, on s’ennuie parfois soi-même”, explique-t-il. “Et du coup j’aime bien l’idée qu’une nouvelle année commence, car c’est l’occasion de tout déconstruire, pour tout reconstruire.” C’est l’un des deux modèles du calendrier, la Danoise Mona Tougaard, qui l’aurait en partie inspiré. Alors qu’il était en vacances cet été, il est tombé sur la jeune femme et a été frappé par son aisance.  “Il n’y a rien de plus inspirant que de voir quelqu’un être en pleine possession de son look”. Il était évident que la jeune femme serait l’héroïne de son calendrier à venir.  Jonathan Anderson dit aussi explorer “l’idée du son dans les vêtements”. Certaines robes “étrangement sensuelles” brodées de bijoux, reproduisent le bruit des coquillages sur la plage, explique-t-il. Les adaptes du style Jonathan Anderson savent que les juxtapositions de textures sont centrales dans son travail, tant pour sa marque éponyme que pour Loewe. Cette saison, il a opté pour une série “psychologiquement explosive”. “J’essaie de mélanger ce qui va et ce qui ne va pas. De chercher la subtilité dans le lâcher-prise”.

Certains disent que ce calendrier pin-up revisité avec humour pourrait être le dernier show présenté sous format papier du designer avant qu’il retourne au format traditionnel du défilé. “Le calendrier représente ce que j’ai vraiment envie de montrer, plutôt que de juste montrer ce qu’il faut montrer. On entre dans une période où il n’y a plus de règles, on est en train de lâcher prise et ce sentiment de rajeunissement et de réinvention de soi est central dans l’histoire de la mode.” Si il décide de présenter sa prochains shows physiquement, il est certain que pour le designer anglais rien ne sera plus jamais comme avant et qu’il s’est belle et bien émancipé des conventions de la mode.