SCHIAPARELLI PE24

Du 22 au 25 janvier 2024 a eu lieu la semaine de la Haute-Couture Printemps-Été 2024 à Paris. L’occasion de découvrir les silhouettes cisaillées de Viktor&Rolf, les courts-circuits sublimes de Schiaparelli mais aussi les nuages de tulle aperçus chez Chanel et chez Simone Rochas pour JPG, ou encore la tempête de couleurs soufflée par Giorgio Armani et Valentino. Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour faire disjoncter la capitale. Allez, récap’ éclair.

1. L’ENVOLÉE INTERSTELLAIRE ET POÉTIQUE DE SCHIAPARELLI ET FENDI
Schiaparelli PE24

Pour le premier défilé de la saison, Daniel Roseberry a de quoi nous mettre en orbite. S’inspirant de la fascination pour l’espace d’Elsa Schiaparelli et de son Texas natal aux reliefs de planète rouge, la collection est un florilège de pièces mutantes. Au fil d’une trentaine de silhouettes, on découvre un collier exosquelette façon “Alien” de Ridley Scott, de fausses queues de cheval tissés à la main qui jaillissent d’un ensemble de Matador ou encore un décolleté inversé et orné de pampilles, cristaux, sequins et autres strass. On les retrouve aussi, flirtant avec des cartes mères, hélices et autres pièces détachées de Nokia 3310, “aussi difficile à trouver que des tissus anciens” précise le créateur, tantôt sur une robe du soir, tantôt en poupon-accessoire aux bras du mannequin Maggie Joy Maurer.

FENDI PE24

Côté Fendi, ça crépite aussi. La collection de 39 passages illumine le Palais Brongniart avec la précision de ses coupes et l’incandescence des matières. Kim Jones, roi soleil et directeur artistique de la Maison s’amuse également avec des accessoires aveuglants, un gant, des escarpins, des lunettes toutes parés d’argent, d’or blanc ou de diamant. Et pour équilibrer ce vésuve de paillettes, l’iconique sac baguette se pare lui aussi d’or blanc 18 carats, de diamants blancs et de feuilles de platine… Bref, tout ce qui brille se retrouve chez Fendi.

2. APOCALYPSE SHOW CHEZ YUIMA NAKAZATO & VIKTOR&ROLF
Yuima Nakazato PE24

On retiendra du défilé-performance du créateur japonais Yuima Nakazato, imaginé en tandem avec le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, des silhouettes à la frontière entre le néo-punk et le vestiaire de Dark Vador. Cette succession d’armures “volontairement éphémères, délicates et énigmatiques” juxtaposent le savoir-faire de la Haute-Couture à la structure de l’uniforme militaire.

Viktor&Rolf PE24

Chez Viktor&Rolf, la folie créative et conceptuelle est à son paroxysme. Présentée à la Sorbonne Nouvelle, la collection “ScissorHand’s” fait place à une folie destructrice. Un costume, une robe du soir, une combinaison, tous de noir vêtus, laissent peu à peu place à trois versions de plus en plus abîmées, découpées, lacérées et malmenées d’elle-même. Avec rigueur, chaos et brio, les trous deviennent motifs et se transforment en judas, invitant le regard à se délecter des structures éventrées mais irréprochables de chaque pièce.

3. TUTUS POINTUS CHEZ CHANEL & SIMONE ROCHA POUR JPG
CHANEL PE24

À l’image du bouton-bijou qui surplombe l’intérieur du Grand Palais éphémère, l’atmosphère est aérienne et élégante. Margaret Qualley, fille d’Andie MacDowell ouvre le bal à une anthologie délicate de col pierrot, tulle, volant, plissé et autres dentelles, qui ne sont pas sans rappeler l’amour de Gabriel Chanel pour les ballets russes du Bolchoï. “La danse, j’y pense souvent, c’est un thème important chez Chanel” ajoute la directrice artistique Virginie Viard dans les notes du défilé. Du fluide et de la tendresse donc, dont le collant blanc était évidemment invité à valoriser broderies, gallons, petites fleurs, poche en tulle et transparence des bombers, jupes minis et autres blouses. Le tout, rythmé par une bande sonore imaginée et réalisée par le rappeur Kendrick Lamar.

SIMONE ROCHA PE24

Puis, quelques heures plus tard, ce sont quelques 36 looks sublimes présentés par la créatrice irlandaise Simone Rochas pour Jean-Paul Gaultier qui font leur défilé. On y retrouve tous les codes des deux Maisons mêlées : les nœuds et la marinière, le corset i-conique aux accents gothiques, le calot façon Marie-Antoinette avec en toile de fond toujours, l’omniprésence du jupon tulle, long, bouffant et résolument romantique, pièce fétiche de la créatrice.

4. L’ART EN LA MATIÈRE CHEZ DIOR ET ALAÏA
CHRISTIAN DIOR PE24

Entre l’organza, le velours et autres gabardines de coton, la soie moirée se glisse et irise à elle toute seule la cour du musée Rodin lors du defile Dior couture PE24. Tissu signature de la Maison et clin d’œil à la robe iconique la Cigale, elle se décline en version tailleur, veste bar, jupe ample, robe de soirée dans des tons blanc, gris, bordeaux et vert. Une matière “qui se déploie sur l’hiver comme une vague” souligne la créatrice pour ainsi mieux nous envoyer valser dans le sublime décor de la collection, une installation imaginée par l’artiste Isabelle Duerst et brodée par les artisans des ateliers Chanakya et de la School of Craft.

ALAÏA SUMMER/FALL 24

Bien qu’en-dehors du calendrier officiel et présentant une collection prêt-à-porter à cheval sur deux saisons (le fameux Summer/Fall propre à la marque), Pieter Mulier a dévoilé sa nouvelle collection Alaïa dont le fil rouge n’est autre qu’un brin de laine mérinos. Basée “sur la courbe et sur le cercle” raconte le directeur artistique, on découvre une collection qui rassemble et crée des liens avec simplicité tout en mettant à l’honneur les volumes et l’unique matière. Qui se retrouve multipliée, tricotée, torsadée. Alors plutôt que de filer à l’anglaise, le créateur vous propose sa version belge.

5. VOYAGE CHROMATIQUE CHEZ VALENTINO ET ARMANI PRIVÉ
VALENTINO PE24

Chez Valentino, Pierpaolo Piccioli a embrasé la Place Vendôme. Le rose, couleur fétiche de la Maison, se fait, cette année, plus discrète. Pour explorer peut-être plus en profondeur une palette chromatique vibratoire avec du bleu turquoise, du jaune, du vert, du rouge Valentino, du orange. On retiendra également le tombé parfait des silhouettes et un équilibre vertigineux entre lourdeur et légèreté, maîtrisé d’une main de maître par les artisans, qui viennent également saluer à la fin du défilé.

GIORGIO ARMANI PRIVÉ PE24

Giorgio Armani célèbre l’ailleurs et l’exotisme, lors de son défilé couture P/E 2024. Pampille en guise de sac, vestes façon kimonos, bibis éventails et autres robes fourreaux, la femme Armani, qui pourrait très bien jouer dans la série “The White Lotus” picore au grès de ses voyages des inspirations italiennes, japonaises, espagnoles qui s’assemblent sur des tissus sublimes du tulle au Jacquard moiré. Le tout dans une palette aux tons aquatiques et humides où le bleu turquoise, le corail et le rouge vif en sont les personnages principaux.

6. FREAK SHOW CHEZ ROBERT WUN ET MAISON MARGIELA
MAISON MARGIELA PE24

Pour les défilés de clôture, Robert Wun et John Galliano nous plongent dans le noir. D’abord dans un Paris malfamé chez Maison Margiela, avec un show qui met à l’honneur les créatures de la nuit. Mi Peaky Blinders, mi Toulouse Lautrec, on y croise sous le pont Alexandre III, des corsets qui mordent la peau, des pardessus frissonnants, du plastique transparent, des chaussures rafistolées, des collants déchirés, des robes effilochées, ponctués de gouttes de pluie strassées, de masques Fantomas et de coiffures ébouriffées. Un défilé tout sauf conventionnel, ouvert par Léon Dame, mannequin chouchou de la Maison et fermée par la merveilleuse Gwendoline Christies, façon infirmière désarticulée.

ROBERT WUN PE24

Puis, chez Robert Wun, la nuit monte d’un cran. Pour sa dernière collection Couture, il convie les codes du cauchemar, du surréalisme et du gothique pour un concentré d’hémoglobine strassée, de motifs de taches de vin rouge, d’illusion de trou de cigarette et autres moisissures colorées, le tout sur des robes de gala sublimes évidemment. La chapellerie spectaculaire et les accessoires ne sont pas en reste, à l’image de cette silhouette qui jaillit d’une robe rouge ou, des bijoux-mains menaçants qui cherchent à saisir les contours du visage des mannequins.