Après avoir constaté que la culture mainstream accordait très souvent un destin tragique au lesbianisme, les journalistes Athina Gendry et Costanza Spina ont lancé le podcast Lesbiennes au coin du feu, dédié aux beaux récits d’amours queer. L’objectif : bousculer les représentations traditionnelles avec des témoignages de relations positives et épanouissantes.

LE CONTRE-PIED DES RELATIONS TRAGIQUES

 

Après deux ans d’une recherche sur les représentations lesbiennes dans le cinéma mainstream, Athina Gendry a constaté qu’il fallait changer les regards. Oui, car dans les films, mais aussi les séries ou les livres, le lesbianisme est souvent associé au rejet, au mal être, à la discrimination et à la violence. “Dans les représentations, les personnes queer sont forcément contraintes et empêchées”, explique Athina. Un constat partagé par Costanza Spina, fondatrice de Manifesto XXI et directrice éditoriale du podcast : “Les personnes homosexuelles sont souvent secondaires, ont des existences et des trajectoires terribles et il y a beaucoup de stéréotypes avec des gens qui deviennent fous ou dépressifs”, précise-t-elle. “Nos industries culturelles sont incapables d’imaginer que l’on peut être heureux dans l’homosexualité, c’est considéré comme une déviance, donc ces histoires-là seront forcément malheureuses”. Alors avec ce podcast d’histoires belles, dont la sortie du premier épisode est prévue le 14 février, elles veulent permettre à tou·te·s de se projeter et prendre le contre-pied de “la propagande anti-homosexualité, proposée depuis notre enfance pour nous décourager”, explique Costanza pour qui “le lien entre le fait de représenter négativement les amours lesbiennes et la lesbophobie est clair”.

Photo by Bettye Lane. Courtesy of The Lesbian Herstory Archives.
L’amour queer est politique

 

Pourquoi avoir choisi l’amour ? “Car nos identités queer passent par les relations amoureuses, c’est quelque chose d’important dans nos vies”, explique Athina. Elles ont aussi choisi l’amour, car en plus d’être intime, “il est éminemment politique” précise Costanza. “Quand on nous empêche d’aimer et de désirer ce que l’on veut vraiment, on empêche aussi de mener des combats politiques. On entrave les amours queer parce qu’ils remettent en question la société patriarcale, et c’est par l’amour qu’on nous domine”. Les deux journalistes veulent également rétablir la vérité au cœur de ces représentations éloignées de la réalité car “uniquement faites par les hétéros et pour les hétéros”, explique Athina. Cette dernière ajoute : “La plupart des fictions ont pour but de sensibiliser le public hétéro à des enjeux queer, il y beaucoup de films sur les violences par exemple, ou bien où on assiste à une fétichisation du désir lesbien”.

Ici, le podcast s’adresse donc aux personnes queer en priorité. Il parle d’expériences amoureuses les plus diverses possibles où il est question de trouple, de personne seules ou encore de couples mariés pour incarner toutes les expériences queer. Car le but est bien de normaliser ces relations et de représenter de nouveaux modèles. “On veut aussi montrer comment surmonter les problèmes et donner les outils pour des relations plus expérimentales”, précise Athina. Loin d’omettre les enjeux spécifiques aux amours lesbiens, elles montrent que “le bonheur est à la portée de tou·te·s”. Si le podcast s’intéresse spécifiquement aux amours lesbiennes, c’est aussi car les lesbiennes cumulent plusieurs intersections de discrimination , explique Costanza. Pour elle, “la lesbienne subit une phobie encore plus violente car l’amour lesbien est la seule forme d’amour où la présence du mâle cis et du phallus est effacé. Tout le travail du patriarcat est de convaincre les femmes qu’elles ne peuvent pas être sororales entres elles. Or, le lesbianisme dit : les femmes peuvent s’aimer entres elles et peuvent créer des liens de solidarité. Et c’est vraiment ça qui créé la lesbophobie”.

Photo Jakayla Toney. Courtesy of The Lesbian Herstory Archives.
Un accès au bien-être

 

Athina et Costanza ont choisi le podcast pour, littéralement, donner la parole aux gens, mais aussi car il s’agit selon elles du format le plus accessible. “Écouter des histoires, c’est aussi très symbolique, précise Costanza. Il y a vraiment cette idée de s’asseoir au coin du feu et de pouvoir écouter, raconter et transmettre”. Avec ces récits, les deux journalistes proposent de nouvelles représentations aux jeunes pour qu’il·elle·s puissent se projeter dans un futur heureux. “Ces témoignages peuvent être un refuge et une façon de leur dire que leur vie ne va pas être aussi dure que ce qu’on a pu leur faire croire”, explique Athina. Mais c’est aussi une forme de pansement pour les plus âgés : “Les personnes les plus émues par les témoignages sont celles, qui comme moi, n’ont pas eu ces représentations-là ados et qui se disent que leurs vies auraient peut-être été plus douces à si elles avaient pu y avoir accès”, note-t-elle.

Au-delà de donner du bien-être aux auditrices, les deux journalistes veulent également, avec ce podcast, créer des archives sonores. Pour faire vivre les amours oubliées et non répertoriées, et prouver par-dessus tout qu’elles sont possibles. Enfin c’est une manière de faire bouger les lignes. “Chez les jeunes générations, il y a cette envie d’en finir avec la famille patriarcale, d’en finir avec ce modèle qu’on nous propose, explique Costanza. Et souvent, on a tendance à penser que ces nouvelles générations sont nées comme ça, mais ce n’est pas vrai. C’est grâce à #MeToo, au travail culturel de fond que l’on mène et à la résurgence d’une pensée queer ses 10 dernières années dont ces générations-là bénéficient en premier lieu. C’est là que notre travail porte ces fruits”. Longue vie aux amours lesbiennes.

L’équipe du podcast “Lesbiennes au coin du feu”.

Le premier épisode de “Lesbiennes au coin du feu” sera disponible dès le 14 février. En attendant, vous pouvez consulter la page de crowdfunding du projet ici sur kisskissbangbang.com.