Secrets d’histoire
Le sociologue et historien spécialiste de l’histoire de l’homosexualité et des cultures minoritaires Antoine Idier retrace, dans l’ouvrage « Résistances queer, une histoire des cultures LGBTQI+ » (éd Delcourt, la Découverte), la genèse du queer. On y apprend que le terme apparaît dans le New York du début du vingtième siècle, lorsque la big apple distingue trois types d’identité : la tante efféminée (fairy), l’homo plus conventionnel (le queer), et l’hétéro viril qui accepte les avances d’autre collègue masculin (le trade). Le terme « gay » n’apparait que dans les années 30-40 afin de regrouper ces trois catégories, en effaçant ainsi toutes les différences. Il faut attendre les années 80 pour que le terme revienne sur le devant de la scène, reprenant son sens initial dans le dictionnaire anglais, se référant à tout ce qui est considéré comme étrange, bizarre, bref tout ce qui sort de la norme, car c’est aussi, dans la langue de Beyoncé, un synonyme de » pédé », utilisé autant par les gays que par les homophobes. Une réappropriation du terme qui donne lieu au mouvement queercore, fondé aussi bien par des personnes LGBT que des hétéros. Leur point commun ? Une détestation du monde capitaliste et un désaveu complet de la communauté gay et lesbienne établie. Erwan, 35 ans, est anthropologue et s’affilie au mouvement queercore depuis son adolescence : » Queer n’est pas synonyme de LGBT. Ce n’est pas une identité, il s’agit avant tout d’une pratique, d’ailleurs assez réflexive. Le problème aujourd’hui, c’est que le queer, et non pas sa récupération néolibérale par le mouvement LGBT, est quasi invisible. Le queer se diffère du milieu LGBT car il apporte un regard critique sur l’ homo-normativité et questionne les politiques liées à nos sexualités. »
Selon Erwan, la communauté LGBT ne cesse, en réalité, de reproduire en effet miroir ce qu’elle prétend dénoncer à l’encontre du milieu straight : » On croise, dans le milieu LGBT, de la discrimination systémique : un exercice très masculiniste du pouvoir, l’invisibilisation de certain·e, du racisme, de la grossophobie, de la transphobie… Le queer propose de questionner ce qui est devenu un véritable marché capitaliste des identités, des désirs et des sexualités, dans le quotidien-même de nos échanges. »Un terme « queer » bafoué qui, selon l’anthropologue, a perdu de sa substance au fil des ans, faute à une éducation sur le sujet totalement absente de la part des médias ainsi que de la culture LGBT : « On oublie que des artistes, des penseur·ses et des activistes se sont penché·es sur ces questions (Judith Butler, Teresa de Lauretis ou des artistes tels que Bruce La Bruce ou John Waters ndlr). Les mouvements queers sont issus de pratiques anti-autoritaires notamment vis-à-vis du fichage policier, et plus largement, social, des marginaux·ales. »