Mixte Magazine

« Oh, I wanna dance with somebody, I wanna feel the heat with somebody”. Ce refrain de Whitney Houston nous est souvent revenu en tête ces derniers mois alors que, plongés dans les ténèbres de plusieurs confinements, le souvenir de notre dernière teuf nous paraissait de plus en plus lointain. A en voir les collections de cette saison, il est clair que ce souvenir a aussi hanté l’esprit des designers. Silhouettes lamés, esprit disco eighties chez Isabel Marant, Balmain et Louis Vuitton, ou looks inspirés du clubwear chez Balenciaga et Celine, l’ambiance est à la teuf et à la danse. En meute le soir dans les clubs qui ont réouvert en début de mois, en open air l’aprem ou bien solo chez soi à répéter ses chorés Tiktok, la fête est partout, dans une nouvelle temporalité où le jour et la nuit se confondent. Le message: on attend pas l’occasion spéciale pour sortir son pantalon patte d’eph lamé, car, comme cette pandémie nous en a fait tirer la leçon, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Tour de piste des collections qui nous mettent la fièvre du samedi soir.

Octobre 2020, Demna Gvasalia donnait le ton en présentant sa collection SS21 pour Balenciaga avec une vidéo, “Sunglasses at Night”. Des silhouettes de clubbers perfusées au streetwear sous l’influence des proportions de la haute couture et inspirées de la culture clubbing des 90s, déambulaient dans la nuit pour se retrouver à la fin de la vidéo et se diriger vers ce qui semblait être un nightclub. A l’heure où les clubs et les bars étaient verrouillés pour une durée indéterminée en Europe et aux Etats-Unis, Demna Gvasalia, mettait en scène un fantasme, celui de se looker pour aller retrouver ses potes et danser en club. Le même fantasme se retrouvait chez Isabel Marant qui avait appelé le collectif de danse tout feu tout flamme made in Marseille, La Horde, pour présenter son vestiaire SS 2021. Robes lamées, bustiers volantés, sandales métallisées et jupes courtes en lurex, Isabel Marant a pensé son vestiaire de cet été pour qu’on brûle le dancefloor. Mash’allah ! Le fantasme est désormais devenu réalité.

Mais parce que certains d’entre nous sont encore un peu engourdis des soirées canap confinées et ont du mal à tenir jusqu’à 5h du mat’, les designers ont inventé une nouvelle temporalité de la fête, avec des looks confortables qui peuvent être transformés en ensembles de soirée portés de jour comme de nuit et dans d’autres lieux qu’en club. Le vestiaire Balmain imaginé par Olivier Rousteing, par exemple, propose des silhouettes néon très disco conçues en jersey, plutôt comfy. Le designer avait, d’ailleurs, présenté sa collection sur des mannequins marchant pieds-nus sur le catwalk, donnant un petit indice sur la manière de porter ses looks. On retrouve chez Louis Vuitton ce même esprit, avec un costume lamé parfait à porter sur un tee-shirt blanc. La collection homme de Celine de cette saison signée Hedi Slimane, “The Dancing Kid”, est aussi un parfait exemple de cette nouvelle temporalité. Conçue pendant le premier confinement en France, la collection est une véritable ode à l’esprit positif et créatif des adolescents qui, pour échapper à l’ennui, dansaient sur les derniers morceaux et inventaient des chorés sur Tiktok. Manteau en fourrure imprimé léopard, perfecto 80’s, short de basket, veste de tailleur pailletée, pull oversize en jacquard, chemise hawaïenne, pantalon à carreaux, jean déchiré ou tie & dye… le rêve de tout eBoy qui s’apprête à tourner l’ultime chorée level +++ devant ses abonnés. Lors de la présentation physique de la collection en Juillet 2020, Hedi Slimane avait mis en avant une pièce phare qui avait marqué les esprits, un blouson en cuir avec inscrit “The Dancing Kid” en LED, évoquant l’éclairage tamisé des chambres d’ados et les lumières des boîtes de nuit.

A en voir les collections SS 2022 présentées lors de la dernière fashion week homme ce mois-ci, la fête risque de nous suivre jusqu’à l’été prochain. On pense à Loewe qui a fait appel au danseur Nick Coutsier (présent dans notre numéro Utopia FW 2020/21) pour porter et mettre en mouvement son vestiaire spring-summer 2022, mais aussi au designer espagnol Arturo Orbegero qui, du flamenco à l’italo-disco, appelle nos corps à bouger librement et à se réapproprier le dancefloor. Une manière de nous dire que, même si le virus dont on veut plus prononcer le nom est encore présent dans nos vie l’année prochaine, rien ne nous empêchera d’avoir la musique dans la peau.