UNE QUESTION D’ÉQUILIBRE
Une fois sur place, Nick danse tous les jours. Le problème, c’est qu’au niveau de la pratique et de l’ambiance, ce n’est pas vraiment ça : “Je trouvais ça un peu vide. On faisait le cours, on apprenait la choré, on la répétait, on la dansait. C’était très répétitif et très compétitif. Il fallait se faire remarquer, être sélectionné par le prof, avec une pression du résultat pas toujours facile à vivre, explique-t-il. J’avais clairement besoin de plus que danser pour quelqu’un, devenir un back-up dancer. Certains s’accomplissent très bien là-dedans. Pas moi. C’est à ce moment-là que je me suis demandé s’il n’y avait pas d’autres schémas de réussite et de fierté que ‘J’ai dansé pour untel’. Est-ce que ça ne pouvait pas être plutôt ‘J’ai dansé pour moi’ ?” Bingo, cow-boy ! Après quelques mois passés dans la Cité des anges, Nick Coutsier revient en Belgique en 2011. Et par l’intermédiaire d’un ami élève au deSingel, le conservatoire national de danse contemporaine d’Anvers, il y passe une audition. Il n’a alors pas vraiment de formation en contemporain et, sans trop y croire, se dit quand même que s’il rate cet examen d’entrée – “le plus dur de ma vie ! J’ai fini les pieds en sang” –, les balancés, les cambrés, les ball change, les antéversions et autres circumductions auront eu raison de lui, que la danse, ce sera fini. Heureusement, les dieux de la pirouette en ont décidé autrement : après un dernier entretien, Nick est validé pour intégrer un cursus de trois ans, période durant laquelle il aime à dire qu’il a “gagné en légitimité” en approfondissant ses connaissances à la fois pratiques, techniques et théoriques. À peine diplômé du conservatoire, Nick continue de faire la nique au système et obtient, après audition, son premier véritable boulot en tant que danseur, sur l’un des nouveaux projets de la compagnie Lali Ayguadé Farró. Direction Barcelone, pour une durée de cinq mois, où se trouve cette compagnie de danse dirigée par la célèbre chorégraphe catalane du même nom, qui a elle-même fait ses armes avec les grandes figures de la discipline que sont Akram Khan et Hofesh Shechter (pour vous donner une idée, c’est comme si on citait Christian Dior et Yves Saint Laurent pour parler chiffon). Bref, Nick n’en est qu’au tout début de sa carrière naissante et il fait pourtant déjà exploser son quota de name-dropping prestigieux.
HUMAN AFTER ALL
Les deux années qui suivent, Nick, avec son statut de freelance, s’associe à différentes compagnies qui le font voyager dans toute l’Europe. “J’ai très vite vécu la vie de danseur à un rythme effréné. Ce qui peut être euphorisant au début, mais est finalement assez déstabilisant, reconnaît-il. Voyager sans cesse, passer de ville en ville, ne pas avoir d’attaches peut vite créer un sentiment de solitude et un décalage avec des amis et collègues qui ne vivent pas la même chose. Heureusement, ce contexte particulier m’a poussé à me ménager et à prendre davantage soin de moi au niveau personnel et humain.” Masha’allah, car l’aspect humain joue un rôle essentiel dans son rapport à la danse. C’est même une base de réflexion intrinsèque à son travail. Il suffit de voir Nick s’exprimer pour le comprendre. Dès qu’il parle, se déplace, dès qu’il interagit, c’est comme s’il dansait : ses bras, ses mains et ses doigts dessinent des formes et prennent de l’espace dans les airs, son cou et sa tête font des mouvements circulaires à mesure qu’il réfléchit à ce qu’il veut dire. C’est là l’illustration parfaite de ce qu’est pour lui la danse : “À mon sens, chaque geste, chaque mouvement, chaque partie du corps, en action ou non, peut être de la danse. Si on a tous la capacité de se mouvoir, ça veut dire qu’on est tous capables de danser. C’est en tout cas la manière dont je vois le monde”.