M. L’idée de conquête revient souvent dans votre discours, et la mode est un milieu hostile. Quels ont été les obstacles les plus difficiles à surmonter ?
O.R. Les critiques. Je les entends toutes, mais je ne les écoute pas forcément ! Le juge de paix pour moi, c’est le client. J’ai choisi d’être très présent sur les réseaux sociaux, donc je suis obligé d’affronter les critiques qui me qualifient de “socialite”, “famous for nothing”… Je trouve ça un peu réducteur. Les critiques professionnelles également sont difficiles à assumer quand on a passé six mois à bosser sept jours sur sept pour un show et que les avis sont vomis comme ça… Les gens de la mode peuvent parfois décevoir aussi – il faut se rappeler qu’on est là pour faire du business et que ce n’est pas forcément une grande famille. Mais je n’ai jamais souffert de la pression ou d’avoir trop de travail.
M. Le fait d’incarner autant la maison, c’est un choix évident ?
O.R. Tout est venu naturellement. Mes choix et ma façon d’infiltrer les univers de la pop ou du hip hop ont parfois déclenché beaucoup de discussions, aussi bien avec ma direction qu’avec la presse, mais je les assu-me totalement. Balmain est devenu le reflet d’Olivier Rousteing, et donc le reflet absolu de mon âge, de ma culture, de ma couleur. Voilà pourquoi j’ai fait le choix aussi de mes muses, de mes égéries.
M. 2016 a été une année très dure sur beaucoup de plans, notamment pour des gens proches de vous : Kim Kardashian, Kanye West…
O.R. La mode est un univers très dur. On a tous envie d’être aimés, de séduire, mais la séduction peut être à double tranchant : lorsqu’on se prend un punch in the face, c’est très difficile de rebondir. En 2016, beaucoup de stars ont choisi de sortir de la lumière, de prendre une année sabbatique. C’est important de savoir s’extraire pour revenir plus fort.
M. Vous pourriez faire ce choix ?
O.R. Le jour où je le ferai, je quitterai la mode. Les designers se plaignent de la pression. Moi je viens de cette génération one clic, j’ai vécu avec Facebook, Twitter, Skype. J’aime être en permanence dans ce mouvement. Le jour où ça ne me conviendra plus, j’arrêterai.
M. En vous écoutant, on a l’impression que vous vous connaissez très bien. Vous avez fait un travail sur vous-même ?
O.R. Beaucoup, quand j’étais gamin. Comme tout enfant né à la DDASS, j’ai dû suivre un parcours psy très jeune – on voit des psychologues et des pédopsychiatres pour vérifier qu’on est équilibré, que l’entente est réelle avec la famille d’accueil. Rien depuis, même si je dis tous les jours à mon assistant que j’ai besoin de voir un psy ! Je me connais très bien, trop même. Je déteste les surprises. J’anticipe toujours, c’est une qualité professionnelle, mais un défaut dans ma vie perso.
M. Le travail sur l’image, le physique, semble aussi jouer un rôle très important, autant pour vous personnellement que pour Balmain.
O.R. Pour moi, Balmain, c’est le monde de la beauté. Je suis parfois quelqu’un de torturé, mais je ne le montrerai jamais. J’aime la beauté, pas les choses torturées. J’adore faire rêver, et la beauté est vecteur de rêve. Qu’il s’agisse de mon Instagram ou de ma passion pour la boxe, mon rapport à l’image est très structuré : le pouvoir et l’aspect conquête m’ont toujours attiré. Cette rigueur personnelle, quasi militaire, est totalement innée chez moi. Mes filles défilent avec ce côté conquérant et, même si la démarche de mes garçons est plus cool, je leur demande d’avoir ce port aristocratique, militaire presque.
M. Et le naturel dans tout ça ?
O.R. Chacun voit le naturel à sa porte. C’est pareil lorsqu’on me parle de chic – c’est comme demander à quelqu’un sa couleur préférée. C’est quoi être naturel ? Ne jamais s’être fait faire d’injections dans le visage ? Porter un jogging pour être confortable ? Là, je suis au naturel, c’est mon pyjama, j’étais habillé comme ça pour aller au sport ce matin (il porte une veste en satin noir à boutons dorés, ndlr). D’autres penseront que c’est apprêté. C’est aussi ça la France, l’élégance décadente…
M. Et cette Parisienne un peu nonchalante ?
O.R. Un peu chiante aussi, parfois ! On oublie que Paris est Paris grâce aux étrangères également. Oui, ma femme Balmain se lave les cheveux tous les jours, elle sort maquillée, elle adore que son pull soit bien mis, porter des talons, acheter de nouveaux vêtements. Elle aime être sexy. C’est très parisien aussi, si on regarde des figures féminines des années 60 ou 70 comme Brigitte Bardot, Dalida, les égéries de Monsieur Saint Laurent, ces flamboyantes extravagantes.