M. Aujourd’hui, comment réagis-tu quand les marques qui te snobaient il y a quelques années reviennent vers toi ?
L. P. Je reste professionnel. Je m’en sers aussi comme un outil de négociation. Je leur dis “OK, maintenant vous voulez travailler avec moi, mais rappelez-vous de nos relations par le passé.” Je m’assure que les choses ont vraiment changé en interne, qu’elles ne veulent pas juste collaborer avec moi pour redorer leur image. Et quel que soit le projet, je le pousse au maximum afin de pas être que dans une représentation de surface mais qu’on fasse vraiment bouger les lignes. À chaque fois, on va toujours plus loin que le brief de départ. Cela dit, j’assène encore un refus à beaucoup de marques en leur donnant mes raisons.
M. Justement, maintenant que tu es connu, tu enchaînes les contrats et les partenariats. Tu n’as pas peur qu’être aussi franc te ferme des portes ?
L. P. La dynamique est différente désormais. Bien que je sois toujours aussi franc, aujourd’hui je connais les gens qui travaillent dans le système, chez les marques, et avec qui j’ai développé de vraies relations. Ces personnes, même si elles ne sont pas toujours d’accord avec moi et ma façon de faire, comprennent mes raisons et mes motivations. Quand quelque chose se passe, ça me permet de les contacter directement pour savoir de quoi il retourne au lieu d’en parler et de les “call out” sur les réseaux sociaux. Même si ça m’arrive encore de le faire. En fait, je veux que les marques apprennent de leurs erreurs. Comme quand Diesel a repris le slogan militant “Black Lives Matter” pour en faire “Black Friday Matter” à l’automne dernier. J’avais rencontré Glenn Martens, le directeur artistique, préalablement au Festival de Hyères. J’aurais donc pu le contacter directement, mais je voulais générer la conversation autour de ce sujet, que chacun.e (ses followers, ndlr) puisse exprimer pourquoi c’était maladroit. Et que Diesel ne balaie pas trop rapidement le sujet de peur que je l’affiche. Donc j’ai posté l’image dans ma story, les gens ont reposté. Glenn l’a vu, m’a posé des questions et m’a fait savoir qu’il ferait remonter, et qu’il en parlerait avec le service des ressources humaines pour que ce soit réglé. Je pense qu’il aurait préféré que je supprime ma story. Mais, encore une fois, c’est important de mettre les marques face à leurs responsabilités.
M. Pourquoi as-tu choisi de te lancer dans la mode ?
L. P. En réalité et pour être honnête, j’ai toujours voulu vivre une vie fancy. Les strass et les paillettes, ça me faisait rêver. Je voulais être connu. Et j’ai vu la sphère fashion comme une extension de la célébrité et de la pop culture. Dans ce milieu, tu peux vivre des rêves, des fantaisies, avant que ce ne soit réel. Les défilés, les soirées, le bling… ce n’est peut-être pas ton style de vie au quotidien, mais pour un moment ça peut le devenir. J’ai toujours aimé cet aspect.
M. Tu as grandi dans une famille américaine conservatrice. Ça a influencé ta vision et ta façon d’évoluer dans cette société ?
L. P. Dans mon foyer, j’entendais beaucoup : “Tu ne peux pas faire ci, tu ne peux pas faire ça”. Forcément, je demandais “Pourquoi ?” Et la réponse était toujours : “Parce qu’on te le dit”. Donc en grandissant, j’ai appris à tout questionner, à comprendre pourquoi les choses sont comme elles sont. Si personne n’a la réponse, alors je vais la trouver moi-même.
M. Tenir des discours militants, donner son opinion sur les réseaux sociaux… Entre ce que les gens en pensent et leurs possibles réponses ensuite, ça peut faire du tort à la santé mentale. Comment gères-tu ?
L. P. C’est sûr que je suis passé par quelques “mental breakdowns”. Même publiquement sur Instagram et Twitter. Ça peut être vraiment épuisant, surtout quand les marques sont impliquées dans les conversations, les débats, les joutes verbales, etc. D’autant plus qu’on s’attend à ce que tu t’exprimes sur tous les sujets et toutes les actualités. Certains jours, la première chose que je fais quand je me lève, c’est prendre mon téléphone et penser à ce que je vais poster, ce que je vais raconter. J’ai parfois l’impression que mon compte Instagram est une chaîne de news. Or, les journaux ont des équipes entières pour ça. Moi, je fais tout, tout seul. À certains moments, il faut prendre de la distance avec tout ça. Parfois, je supprime les applications de mon téléphone pour une période donnée. J’arrête d’y mettre de l’énergie et je la redirige plutôt vers moi.