M. Le film déconstruit tout un éventail de poncifs sur les insondables origines de la violence…
M. F. L’Atelier parle de la peur des adultes, ceux, un peu intellos, souvent parisiens, qui préfèrent plaquer leur système de pensée sur la jeunesse actuelle plutôt que de commencer par l’écouter parler de sa propre expérience, de sa propre histoire. Heureusement qu’on pense différemment d’il y a 30 ans ! Le mépris ou la condescendance envers les jeunes est très dangereux. Je n’en peux plus d’entendre les gens de ma génération dire : “Les jeunes ne lisent plus, ils sont sur Instagram, les réseaux sociaux…” Dans le livre Laëtitia d’Ivan Jablonka (éditions du Seuil, prix Médicis 2016, ndlr) il y a un passage très beau sur les réseaux sociaux, que l’auteur compare aux journaux intimes des jeunes filles du XVIIIe siècle. Un pays qui méprise sa jeunesse est un pays mort. Le film parle de ça, de l’imperméabilité de ces deux mondes qui est source de désarroi, autant pour les jeunes que pour les adultes.
M. Vous jouez une écrivaine qui anime un atelier d’écriture. Quelle est votre géographie littéraire ?
M. F. Je ne saurais plus dire, le problème étant que je lis surtout pour mon boulot. J’étais une grande lectrice avant d’avoir à lire tous ces scénarios. Je me réjouis d’attaquer Vernon Subutex 3 de Virginie Despentes pendant les vacances (interview réalisée en juillet 2017, ndlr). Je l’ai découverte avec les tomes 1 et 2. Sinon, en ce moment, je lis des choses sur la justice. Le livre d’Éric Dupond-Moretti, celui de Thierry Lévy… Et la biographie de Martha Argerich, une grande pianiste et concertiste pour un autre film que je prépare.
M. Et qu’avez-vous lu pour préparer ce rôle d’écrivain ?
M. F. J’ai acheté tout Annie Ernaux sur les conseils de Céline Sciamma. Mais, au fond, je n’en ai pas eu tant besoin que ça. J’ai grandi sans la télé et j’ai toujours beaucoup lu. Dans le film, le présent et le rapport au groupe, à l’atelier, étaient plus importants que mes acquis. Ma vie d’actrice parisienne était suffisante pour nourrir le personnage qui était à mille lieues de la réalité de ces jeunes pour qui c’était le premier film, et qui sont loin d’avoir un avenir tout tracé.
M. Même Matthieu Lucci, second rôle incroyable qui vous tient tête ?
M. F. Matthieu, c’est un diamant brut. Je pense qu’il a compris qu’il était acteur en faisant le film. Il est fascinant. À mon avis, c’est un grand acteur, et il y a potentiellement dans le groupe plusieurs très grands acteurs. Ce qui est certain, c’est qu’il sera plus facile pour Matthieu de réussir que pour d’autres parce qu’il est blanc. C’est la réalité du cinéma français. Je ne suis pas sûre que même Omar Sy puisse obtenir d’autres rôles que ceux qui sont prévus pour un acteur à la peau noire. Je ne crois pas. Il y a peu, Leïla Bekhti m’a raconté qu’on lui avait dit : “Ah, mais si ce n’est pas toi qui joues, il faudra que je réécrive le rôle pour que ce soit une Française de souche”.