M. Quelle relation as-tu avec ta communauté aujourd’hui ?
C. S. Les trois premières années, c’était comme ma deuxième famille. Mais avec le temps, il y a eu des déferlements de haine sur les réseaux. Je me suis alors rendu compte que certains de mes abonné·e·s y participaient. Ça m’a plongée dans une dépression… Mais j’ai pris du recul et j’ai compris que mes abonné·e·s restent des humain·e·s que je ne connais pas. Et puis mon statut actuel ne va pas durer éternellement. Je ne suis à l’abri de rien. Du jour au lendemain, mon engagement peut cesser, les gens peuvent ne plus aimer mon travail… Je dois me protéger.
M. Motherland, ta série de reportages en Afrique, a aussi été un moment charnière…
C. S. Ça a changé ma vie. Je ne m’attendais pas à ce que ça me permette de m’explorer moi-même à ce point. J’ai pris la décision de visiter le continent après le confinement, et quand j’ai lancé Motherland “Sénégal”, je pensais que ce serait une vidéo comme une autre. Il y a eu une énorme polémique sur le fait que je montrais trop les aspects positifs et pas les négatifs. Mais c’est mon parti pris de réalisatrice de mettre en valeur les pays et les locaux. J’ai pu aller au Cameroun, le pays de mon père, en tant que touriste et non pas seulement pour des visites familiales… Motherland, je le vois comme mon héritage.
M. Dans les commentaires de tes abonné·e·s, sur Instagram ou sur YouTube, le terme “modèle” revient beaucoup. Quelle relation entretiens-tu avec ce mot ?
C. S. C’est bizarre de dire qu’on est un modèle. C’est arrogant. J’ai commis des erreurs, je suis en constante évolution dans ma manière de penser, de faire… Je préférerais être une inspiration.
M. Ce numéro de Mixte est consacré à l’audace. Cette notion t’évoque quoi ?
C. S. L’audace, c’est avoir la capacité de s’écouter soi avant les autres et de faire ce qu’on juge bon pour soi avant que les autres ne le décident pour vous. Moi, je suis là pour mon lectorat et pas pour le B2B autour. Mon objectif, c’est de me suffire à moi-même financièrement, et de ne travailler avec des marques que lorsque j’en ai vraiment envie. En attendant, je suis fière de pouvoir faire preuve de cette audace, de prendre la parole librement alors que je suis encore sous un prisme commercial.
M. La dernière fois que tu as été audacieuse ?
C. S. Lors de l’émission Quelle époque ! de Léa Salamé face à Daniel Riolo qui avait une attitude assez méprisable sur la situation sociale, politique et sanitaire aux Antilles. Il a eu des paroles injustes et je n’ai pas pu m’empêcher de réagir à chaud.
M. Qui incarne l’audace selon toi aujourd’hui ?
C. S. Viola Davis, qui dénonce le fait d’être moins payée qu’une actrice blanche à Hollywood. Rokhaya Diallo qui fait constamment preuve d’audace, Omar Sy pour sa prise de parole en promotion du film Tirailleurs, de manière fluide et forte. Et puis Kylian Mbappé qui est complètement en train de changer la figure de l’athlète en France. C’est un vrai shift que je ressens et je suis contente d’y participer à ma hauteur, avec ma communauté. C’est comme ça qu’on va construire le monde de demain.