Il faut avoir une sacrée trempe pour publier un disque comme “Mercedes”. Pas seulement parce qu’il s’agit d’une exploration minutieuse de l’âme et des jeux érotiques de son autrice (travail du sexe, éthique SM, empouvoirement sexuel…) Mais aussi parce que cet album, le troisième de Malvina Meinier, se joue des chapelles stylistiques en mélangeant hyperpop, techno, trap ou rock metal avec une remarquable aisance. Qu’elle soit entourée de lanières de cuir ou de cordes délicates, la musique de cette compositrice, productrice et cheffe d’orchestre est aussi exaltante qu’ambitieuse, aussi radicale que maitrsée. Pas étonnant que Nabil Ayouch lui ait confié la BO de son long-métrage “Les Chevaux de Dieu” (2013) ou que la chanteuse Pomme ait fait appel ses talents d’arrangeuse pour en son album “Consolation” (2022). Mais rien de tout cela nous avait préparé à retrouver en 2024 la musicienne en maitrise dominatrice techno, frangine frenchy mais pas si lointaine d’ARCA et de Charli XCX.
MIXTE. On s’est laissé dire que Mercedes, l’héroïne dominatrice que l’on suit de titre en titre sur ton nouvel album, était plus un alter-égo qu’un personnage de fiction…
MALVINA. Ce disque, c’est mon histoire. Tous les morceaux racontent des choses que j’ai vécues. Ce serait une erreur d’y chercher un statement politique. Et s’il y a dessus un gros mood “domination”, c’est parce que c’est le reflet de la vie que je menais quand je l’ai écrit. J’avais juste envie de crier ma rage sur des bails qui me sont arrivés. Mais je ne suis pas la seule à voir vécu ces choses-là donc ça résonne chez plein d’autres personnes.
M. Trap, hyperpop, techno, rock, l’album amalgame des tas des styles musicaux très différents. Tu nous aides à débroussailler tes influences ?
M. Il y avait un piano dans la maison où j’ai grandi. Dès trois ans, j’ai commencé à en jouer. À neuf ans, je savais que je voulais être compositrice, faire des musiques de films. Plus tard, je suis rentrée au conservatoire, même si mes parents étaient très loin de cet univers. J’ai commencé par la musique classique mais très vite j’ai découvert des choses plus dark à travers ma grande sœur. Elle était batteuse de metal. Ado, elle répétait avec son groupe dans le sous-sol de la maison et je venais les écouter. J’adorais cette rage, le coté performatif du metal. Pour cet album, je suis partie de ce que j’écoutais ado : Radiohead, Nirvana, System of a Down, Deftones, Korn… Mais aussi Britney Spears ou Destiny’s Child. C’est pour ça que le disque par un peu dans tous les sens ! Je me suis aussi pas mal inspirée d’IC3PEAK, un iduo russe complètement timbré qui ne fait que hurler dans de la distorsion. Mais je me sens traversée par des choses totalement différentes. Je peux m’emballer pour Selena Gomez, la rappeuse suédoise Cobrah ou des copains qui font de la techno acoustique.
M. Par exemple, le morceau “Incel” est résolument rock. Et drôle en plus. Tu avais des choses à dire aux frustrés ?
M. Tu connais les incels ? C’est cette communauté masculiniste misogyne très active sur le net. Ils y sont… très sympas ! (Rires). Un jour, l’un d’entre eux s’en est pris à moi. Il a réussi à faire sauter mon compte Instagram et ça m’a filé un seum monstrueux. Ce mec avait décidé de signaler le compte d’une meuf sur laquelle il s’est probablement branlé et le monde est allé dans son sens. Ça m’a révolté. J’ai voulu crier ma colère dans un morceau et pointer l’hypocrisie de ces mecs qui se masturbent sur des femmes et qui juste après décrètent qu’elles sont des grosses putes qui ne doivent pas exister. Ils font vraiment de la peine. Ce sont des hommes perdus, seuls et émotionnellement dysfonctionnels qui n’arrivent pas à voir des relations normales avec les femmes. Sans doute parce qu’on ne leur a pas appris !