Avec ses peintures et ses dessins pittoresques s’inspirant de la faune et de la flore, Nayara Barros offre une vision étincelante d’un monde en phase avec la nature et les éléments. Rencontre avec cette artiste brésilienne solaire dont le travail expressif et chatoyant sonne comme une ode entre le lien indéfectible qui unit l’humain à son environnement.  

Originaire de Rio de Janeiro, plus précisément du quartier de Gloria à Santo Amaro, Nayara Barros est une artiste qui vit aujourd’hui en France, à Marseille précisément depuis maintenant 5 ans, après quelque temps passé à Paris. En quelques années, la jeune carioca qui vient de fêter ses 30 ans a réussi à faire connaître, à travers différentes expositions et collaborations, son travail pittoresque et étincelant qui mêle photographies, illustrations, peintures et dessins (que ce soit à la gouache, à l’aquarelle ou au crayon gras). Mixte est allée à la rencontre de l’une des artistes les plus solaires et prometteuses de sa génération. 

Portrait par Fiona Forte

Tu es originaire de Rio de Janeiro et tu vis actuellement en France. Pourrais-tu te présenter et raconter un peu ton histoire, pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Je suis la fille d’une mère native brésilienne et d’un père capoeirista afro-brésilien. J’ai depuis toujours un lien très fort avec cet art martial qui mêle la danse et la musique et reflète l’histoire, la culture et le passé du Brésil. Autant dire que je suis très attachée à mon identité, à mon quartier et à la ville de Rio. J’ai vécu toute ma vie là-bas, entourée par la présence de la forêt située au cœur même de la ville, et par la mer qui baigne tout le littoral. Cette ville a un côté puissant, viscéral et radical, qui a beaucoup influencé la personne que je suis.

Aujourd’hui tu habites en France. Comment as-tu vécu la rencontre avec cette nouvelle culture ?
J’ai débarqué en France il y a 5 ans maintenant et j’ai d’abord habité à Paris. La première année, tout a été une découverte : le contact avec une culture différente, l’exotisme du froid, du temps gris, la vie parisienne, les rencontres qui m’ont apporté des nouve.aux.lles ami.e.s. Mais le temps a commencé à passer et le soleil et la mer ont commencé à beaucoup me manquer. Donc, après quelques allers-retours à Marseille, et le constat qu’à chaque fois le retour était plus dur, j’ai choisi de déménager là-bas. Je suis tombée amoureuse de la belle lumière de Marseille, de la couleur bleu du ciel et de la mer accueillante à chaque passage sur la corniche.

Comment expliquerais-tu ton envie de dessiner, de peindre ? De t’exprimer artistiquement ?
Je crois que nous avons tous dès notre enfance une tendance à peindre ou à dessiner. Cela ne fait pas de nous d’excellents peintres mais la curiosité et la volonté de toucher un pinceau, de colorier une page blanche, de gribouiller une feuille, est d’une certaine manière une forme de communication avec l’autre. Mon père, à sa façon, m’a influencée : il avait un énorme talent caché pour le dessin. Dès petite, je le voyais dessiner et cela m’inspirait. Je restais à l’observer en silence pendant qu’il travaillait. Je me rappelle que quand j’étais toute petite, un dessin d’un troupeau d’éléphants fait au crayon m’a comme réveillée. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à vouloir dessiner.

Comme j’étais une enfant qui aimait beaucoup jouer toute seule, je créais mes propres univers. Quand j’étais seule, j’aimais dessiner, et sans même m’en rendre compte, j’ai gardé cette habitude jusqu’à ma vie d’adulte. À un moment j’ai commencé à m’éloigner et à me connecter avec la photographie, en gardant la volonté de créer ma propre réalité des choses. Je suis restée des années sans toucher un pinceau ou un stylo. Mais mon coeur est plus complet quand je dessine. Quand j’étais à Paris, je me suis retrouvée avec ma solitude et c’est à ce moment que je me suis reconnectée au dessin de façon naturelle, sans obligation. Me sentant libre, j’ai recréé cette habitude. Puis j’ai commencé à avoir envie de montrer ce que je faisais et petit à petit les choses ont pris forme. J’ai déménagé à Marseille et c’est dans cette ville que je me suis réellement envisagée comme artiste et que j’ai fait mes premiers pas. Ça a encore plus renforcé ma relation avec la ville.

Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Je crois que mes inspirations viennent beaucoup de mon quotidien : d’une manière très aléatoire, la beauté de tout ce que je vois m’attire. Mais surtout je crois que ma première influence est mon pays, le Brésil, toute cette faune joyeuse et une flore luxuriante qui me font rêver, moi qui suis une amoureuse de la nature et de sa majestuosité. Fascinée par les animaux, depuis toujours j’essaie de transmettre toute mon admiration et ma passion pour eux dans mes dessins. J’aime énormément regarder les séries et les documentaires sur les animaux qui abordent leur complexité, qui montrent leurs techniques épurées de chasse, le dévouement des oiseaux pour conquérir les femelles, les techniques plus surprenantes de défense de certains animaux, le travail en équipe et la transmission de connaissances des hyènes africaines. À chaque fois je me rends compte encore plus de leur proximité avec nous. C’est d’une poésie très touchante.

J’ai une passion plus particulière pour les singes : ils sont comme otages de leurs pulsions, de leurs agressivités, de leurs corps énergétiques aux longues queues qui les aident à se déplacer avec grâce sur les arbres. Leur courage et leur force sont si proches des nôtres. Le sport est aussi une grande source d’inspirations pour moi : depuis toujours je suis entourée par des athlètes. Mon grand-père était marathonien, mes oncles professeurs de capoeira, mon père, qui fait aussi du jiu-jitsu bresilien, ma meilleure amie danseuse et mon copain boxeur. Depuis quelque temps j’ai moi-même commencé la boxe après avoir pratiqué la capoeira. C’est dans le sport que l’on trouve le feu de la vitalité.

Quels sont tes projets en cours ? Et celui que tu rêves de réaliser ?
J’en ai plein ! Je suis très contente de revenir à Marseille après 2 mois au Brésil et de pouvoir y ramener la fraîcheur de l’été pour initier tout ça. Ce sont des projets qui me tiennent très à cœur car c’est avec des gens avec qui j’aime beaucoup travailler. Je suis en train de créer une collection capsule avec une marque franco-tunisienne qui s’appelle Èlbé. Pour le lancement on fera un pop-up store à Marseille et à Paris ! Je vous invite à venir voir ça de près. Aussi, le collectif marseillais Maraboutage m’a invitée à collaborer avec eux pour un super projet qui aboutira aussi à un événement cet été a Marseille pour fêter leur anniversaire. Je suis très honorée de pouvoir y participer.

En ce moment j’ai mes peintures en vente dans la galerie en ligne Antipode Gallery, gérée par Bettina de Boise. Dix pour cent des ventes sont reversés à l’association Instituto Ademafia, que j’ai choisie et qui se situe à Rio dans la favela de Santo Amaro où elle développe des projets sociaux à travers le skate. Bientôt je commencerai à préparer ma résidence artistique chez Tropicool qui m’a invitée à collaborer dans leur espace à Marseille. Je n’ai pas à proprement parler un projet de “rêve”. Ce dont j’ai envie c’est de pouvoir continuer à collaborer avec des personnes qui font des travaux passionnants et intéressants pour réaliser ensemble des projets qui ont du sens.

Qu’est-ce que tu aimes dans la ville de Marseille ? Est-ce que c’est une ville où il fait bon vivre en tant que jeune artiste ?
J’aime la nature présente, la mer, le ciel bleu, c’est une ville avec beaucoup d’authenticité, ça me rappelle d’une certaine façon ma ville natale, Rio. Ce sont des villes avec beaucoup de caractère. J’aime pouvoir voir l’horizon, profiter de la vie et pas avoir la sensation de survivre, la lumière douce et chaude du soleil l’hiver, la canicule d’été face à la mer froide avant une journée de vent. Marseille c’est une ville solidaire, c’est accessible et les gens se connectent plus facilement. C’est un bon moment pour les jeunes artistes d’être là, les regards sur Marseille sont de plus en plus nombreux.

Tu reviens du Brésil ou tu es restée deux mois, ça faisait longtemps que tu n’y étais pas retournée il me semble. Comment ton retour là-bas s’est-il passé ? Le pays a-t-il changé selon toi ?
Le but c’était de souffler un peu, de respirer l’air frais et me ressourcer dans ma terre natale, c’est indispensable pour moi d’y retourner chaque année. Mais la pandémie a eu beaucoup de conséquences sur mon pays. Chaque ville l’a vécue différemment. Rio en a beaucoup souffert, énormément de familles sont dans la rue… Autant le physique que le mental des habitants ont été bousculés donc ça m’a fait mal de voir tout ça. Mais les Brésiliens sont un peuple résilient. J’espère avec les élections cette année que le pays pourra se débarrasser de ce président affreux dont je ne préfère même pas citer le nom.

D’un point de vue personnel, j’ai pu vivre une expérience très émouvante en retournant dans la ville natale de mon grand-père après 50 ans sans qu’il n’y soit revenu : Rio Grande do Norte dans la région du Nord-Est du Brésil. C’était très touchant pour lui et moi de connaître son histoire et la mienne qui a été très présente mais seulement dans l’imaginaire. J’ai pu rencontrer de la famille, écouter les histoires des pêcheurs, des légendes de la ville, les histoires d’amour, les péripéties de jeunesse de mon grand-père, l’histoire de notre famille qui se mélange avec l’histoire du pays. Pour moi, il s’agissait de connaître le passé pour mieux comprendre qui je suis aujourd’hui.