Remarqué en 2020 avec son single “Noise”, le collectif français partageait en juin dernier son premier EP Nouveau Genre. Un projet en forme d’ode à la liberté, à l’union mais aussi à la différence.

“Indivisible” est peut-être le mot qui qualifierait le mieux KLON. Que ce soit sur Instagram, dans leurs clips surréalistes ou dans la vie de tous les jours, le groupe composé de Zoé, Aurel, Akra, Vic, Nejma, Art et Rory semblent tout faire à sept. Il n’y qu’à regarder le clip de leur titre “West”, leur première vidéo officielle, pour le comprendre : au rythme de leur musique entêtante, qui se nourrit aussi bien de chanson française que d’électro, les bouches chantent à l’unisson et les silhouettes se mêlent et s’entremêlent, jusqu’à former un corps unique. “Un corps à sept têtes”, disent-ils. Pourtant, le jour de notre interview planifiée sur Zoom, seuls trois des membres de la formation apparaissent à l’écran : Zoé, Akra et Vic. “Du coup, ça vous arrive de vous séparer ?”, leur demande-t-on. “Ouais ! répondent-ils dans un rire collégial. Mais c’est très, très rare.” Derrière eux se dessine le salon de leur quartier général, une grande maison lumineuse située à Montgeron (Essonne), dans laquelle ils vivent tous les sept depuis trois ans. “C’est le lieu dont on a toujours rêvé”, confie Akra. Au fil de la discussion, je comprends que, contrairement à d’autres collectifs, KLON est loin de se résumer à un “simple” groupe de musique. C’est aussi et surtout une aventure du quotidien entre amis (en famille même, Vic et Arthur étant des frères jumeaux et Zoé leur petite sœur), un projet de vie alternatif qui prône la solidarité et le vivre-ensemble au cœur d’une société ultra individualiste. « On est KLON à 100 % et tout le temps”, affirme Vic.

Chemise crop-top en coton, Harnais en cuir et métal, Gucci. Jean et ceinture, Personnels.

De G20 à KLON

 

Avant de devenir KLON à temps plein, les sept Français, aujourd’hui âgés de 21 à 24 ans, passent leur adolescence à Melun, en Seine-et-Marne. À ce moment-là, certains chantent à l’abri dans leur chambre ou ont fini leurs années de conservatoire. D’autres, comme Vic et Arthur, commencent à rapper et à s’enregistrer à l’aide d’une carte-son fraîchement achetée. Mais aucun n’envisage alors la musique comme un véritable plan de carrière. C’est à une soirée de fin de lycée que tout bascule. Par le biais d’Aurel (aujourd’hui manager du groupe aux côtés de Nejma), les jeunes créatifs font connaissance, se découvrent. Sur des type beats aux influences trap, ils se lancent dans des freestyles infinis et constatent leur passion commune pour le rap et ses rythmes effrénés. Le déclic est immédiat. “Il y a eu une putain de connexion, rembobine Vic, visiblement encore animé par la ferveur de cette nuit. C’est vraiment cette rencontre qui nous a donné confiance et décidés à prendre la musique au sérieux.” De cette rencontre aux airs de révélation naît le groupe de rap G20, ainsi qu’une première colocation dans un appartement de Créteil. “Au début, on faisait du son dans le grenier de mes parents… ce qui faisait un peu de bruit [rires], relate Vic. On s’est dit que pour mener à bien notre projet, il fallait qu’on ait notre endroit à nous, et qu’on y soit ensemble tout le temps. On s’est installé à 13 dans un appartement de 85㎡ à Créteil.” Après quelque temps, le groupe se resserre aux sept membres que l’on connaît aujourd’hui et s’installe dans la maison de Montgeron, où ils transforment le sous-sol “dégueulasse” en un home studio agréable de 60㎡. C’est dans cet antre souterrain que leur ADN musical se forge. Au fur et à mesure de leurs expérimentations, leur musique prend une autre forme, s’éloignant peu à peu de leur rap originel. Chacun y met son grain de sel, ses influences, ses remarques, et les sonorités s’échappent progressivement vers un monde davantage coloré et polychrome. Un monde des possibles dénué de barrières, où les drum machines s’unissent aux nappes des synthétiseurs, où les guitares et les basses vrombissent en chœur, et où la diversité des voix s’harmonise. KLON est né.

Veste et pantalon en velours, Chemise en soie, Chocker en cuir, Escarpins en cuir et strass, Gucci. Soutien-gorge, Personnel.
Gauche : Vic : Manteau en fausse fourrure, Pantalon brodé de sequins, Baskets en cuir, Gucci. Droite : Art : Veste brodée de sequins, Chemise en tulle, Pantalon en toile monogrammée et strass, Bagues en métal doré et strass, Gucci. Bottes, Personnelles.
Jupe en dentelle, Bolero en cristaux, Bottes en cuir, Chocker en cuir et chaine, Gucci. Bague, Personnelle.
Gauche : Akra : Pull crop-top en laine, Pantalon et Bottes en cuir, Veste en plumes, Gucci. Droite : Aurel : Robe en cuir verni à manches brodées de plumes, Bottes en cuir, Gucci.
Bustier et jupe en dentelle, Minaudière en cristaux, Escarpins en résille et cristaux, Chocker en cuir, Gants en tulle et cristaux, Gucci.
Les sept membres d’un même corps

 

Au fil de notre échange, je comprends que le fait de composer à 14 mains (à l’aide des “vieilles machines et autres vieux synthés” qui peuplent leur sous-sol, m’indique Vic) les mène naturellement vers des créations dansantes et festives. “Quand t’es en groupe, t’es pas dans tes écouteurs, poursuit Vic. Tu te dis : ‘Ok, quel son je vais mettre pour faire kiffer les autres ?’ Et c’est dans cette énergie-là qu’on crée nos morceaux. On a à cœur de faire une musique sur laquelle tu peux danser, mais aussi planer.” Et Zoé de compléter : “Ça résume assez bien nos personnalités : vu qu’on est sept, on est toujours dans une dynamique assez rythmée, et en même temps… on est un peu foncedé [rires] ! Voilà, KLON, c’est ça.” D’ailleurs, pourquoi KLON, qui signifie “clone” en allemand ? “On a choisi ce nom pour illustrer cette unité, cette fusion qu’il y a entre nous”, explique Akra. “C’est un mot qui nous a tout de suite parlé, enchaîne Vic. Déjà, avec mon frère jumeau, il y avait cette idée de clone ; mais c’était aussi et surtout une façon de dire qu’on est tous les clones d’une vision commune, les sept membres d’un même corps.” Et Akra de renchérir : “Et puis, il y a aussi quelque chose de très ironique là-dedans : on s’appelle comme ça, mais on est totalement contre la standardisation de la société, le clonage des mentalités et des gens.” Cette dimension critique est intrinsèque à leur musique, qu’ils décrivent comme “une énergie” plutôt qu’une création figée. Le groupe en pose les bases avec le clip animé de “Noise”, son premier single sorti le 7 juillet 2020 — une date choisie avec le plus grand soin, explique Vic, pour faire écho à leur septuor et à leur feu groupe G20. Sur une production à la fois éthérée et inquiétante, les sept artistes livrent leur regard sur le monde alentour. Un monde à grande vitesse, qu’ils observent paisiblement depuis la fenêtre de leur royaume essonnien, et qui leur paraît parfois dénué de sens. “Le bip du réveil, la bouilloire qui siffle / La porte qui claque / Puis, les klaxons du périph’, la radio qui aboie / Le chien qui renifle, la rumeur des foules […] Une boucle qui se lasse sans issue de secours”, y chante Vic, qui souligne : “Ce titre parle des bruits de la ville et de la vie, et je trouve qu’il porte assez bien notre message et ce qu’on pense du monde extérieur. C’était une bonne entrée en matière.”

Bustier brodée de paillettes, Jupe midi en toile monogrammée et strass, Manches en plumes, Gucci.

Une invitation à s’évader de cette société

 

Les choses s’accélèrent quelques mois plus tard avec la sortie de “West” et “Santa Barbara”. Deux singles dont les clips nous propulsent tantôt dans une fête diurne mystique, tantôt sur les plages californiennes des années 1960, et qui prônent avec poésie les notions de liberté et d’évasion si chères au groupe. Comme expliquer l’importance de ces notions, d’ailleurs ? “C’est peut-être dû au fait qu’on bosse constamment à la maison, tous ensemble… Du coup, on vous envoie un message subliminal, du genre : ‘Venez nous sauver, libérez-nous !’”, s’amuse Zoé, rejointe par le rire de ses deux comparses. “Plus sérieusement, je crois qu’il y a quelque chose d’assez politique dans cette notion d’évasion, analyse Vic. En vivant à sept, on s’est créé notre monde, un monde à part, en dehors des codes de la société. Notre musique est en cela une invitation à s’évader de cette société pour construire un nouveau monde. Notre génération et celle de demain ont les clés pour le construire. Ça ne tient qu’à nous.” Cette idée de s’unir pour déconstruire et mieux reconstruire est au cœur de leur premier EP Nouveau Genre, paru le 11 juin dernier via Rossinante/Sony Music. Composé de sept titres (on doute que cela soit un hasard), cet opus se joue du concept de genre. Il mélange sans encombre chanson française, électro new wave et pop lancinante à l’ADN rap de leurs débuts ainsi qu’à une certaine énergie punk. En se complétant tour à tour, Vic, Zoé et Akra précisent : “Le ‘nouveau genre’, c’est pouvoir être libre de faire et d’être ce que l’on veut. Voilà le message de ce projet, et de notre groupe au global : refuser d’être catégorisé.e.s, de se laisser enfermé.e.s. Et prôner le fait d’être vraiment soi, d’être libre de rejeter les carcans sociaux, et se laisser la chance de pouvoir changer sans jamais être jugé.es..”

D’où le clip galactique du single “Nouveau Genre”, dont le refrain martèle : “Je n’suis pas faite pour plaire / Bébé j’ai mieux à faire / Mêles toi d’tes affaires / On sort de l’ordinaire.” Réalisé par Valentin Pitarch, qui se cachait déjà derrière celui de “West”, “Nouveau Genre” nous plonge dans un TV show surnaturel, dans lequel les sept allié.e.s débarquent en aliens coloré.e.s et chantant. “On s’est dit que c’était le truc le plus éloigné d’un être humain, et que c’était une image marrante pour illustrer nos différences”, détaille Akra. Et Vic d’ajouter : “La différence est tellement enrichissante ! Il faut glorifier nos différences, car c’est elles qui nous font grandir, nous inspirent. Si tout le monde était cloné… ce serait vraiment trop chiant [rires] !” Pour mieux diffuser leur message au monde des vivants, le groupe ne compte pas s’arrêter là. Les sept cerveaux bouillonnent constamment d’idées, parmi lesquelles organiser des soirées, monter une marque… “Ce n’est que le début”, annoncent-ils. En attendant, KLON se produira sur la scène parisienne de la Boule Noire le 9 septembre prochain, pour nous inviter à nous évader dans leur monde aux milles couleurs.

Zoe : Veste et pantalon en velours, Chemise en soie, Chocker en cuir, Gucci. Soutien-gorge, Personnel / Akra : Crop top en laine, Pantalon et bottes en cuir, Veste en plumes, Gucci / Aurel : Robe en cuir verni, Gucci / Rory : Jupe en dentelle, Bolero en cristaux, Chocker en cuir et chaine, Gucci / Nejma : Robe en dentelle, Escarpins en cuir, étole en plumes, Gucci / Vic : Manteau en fausse fourrure, Pantalon brodé de sequins, Baskets en cuir, Gucci / Art : Veste brodée de sequins, Chemise en tulle, Pantalon en toile strassée, Gucci.
Robe en dentelle, Escarpins en cuir, étole en plumes, Gucci.
Pull en maille de cachemire, Pantalon et Fouet en cuir, Gucci. Collier et Boucles d’oreilles, Personnels.
Gilet en coton et cuir, collier en métal, Gucci. Pantalon et ceinture, Personnels.