Vous-êtes vous déjà tordus de rire devant un ballet ? On vous l’accorde, le phénomène parait aussi improbable qu’une aurore boréale dans le ciel de Paris tant l’humour et l’auto-dérision sont rarement conviés dans l’univers austère du ballet. Et pourtant, c’est ce qui se produit à coup sur devant chaque spectacle signé Philippe Lafeuille, chorégraphe de la compagnie barcelonaise Chicos Mambos, qui explore la danse par le ressort comique. Après Car/Men qui revisitait l’opéra de Georges Bizet avec un casting 100% masculin et qui envoyait gracieusement valsait les stéréotypes, les Chicos Mambos sont de retour au Théâtre Libre pour danser « Tutu ». Spectacle à succès depuis 2014, « Tutu » est un véritable spectacle-manifeste de l’ensemble de l’oeuvre de Philippe Lafeuille. En 20 tableaux, les 6 danseurs de Chicos Mambos interprète plusieurs registres de danse avec une virtuosité qui laisse bouche bée. Ballet classique, danse contemporaine, moderne façon Pina Bausch, tango, breakdance et même gym acrobatique,… les danseurs font la démonstration d’une technique frôlant la perfection dans chaque style de danse du plus populaire au plus pointu. Le fil rouge entre les tableaux est le tutu, cet objet ambivalent et chargé de symboles. Délicat, le plus souvent en tulle ou en mousseline et de couleur rose pâle il est, selon les codes du ballet classique traditionnel, de genre féminin et est l’apanage de la ballerine. Sur les scènes des institutions du ballet classique, il convient d’être une jeune femme plutôt très mince et belle pour l’arborer. Contournant l’interdit, Philippe Lafeuille revisite le tutu en pantalon qui évoque un pilon de poulet, en couche-culotte Pampers, ou bien encore en queue de canard. Le tutu devient ainsi un objet politique porteur d’un message : la danse appartient à tous les genres et à tous les corps.