Spectacle signé Philippe Lafeuille, le génial “Tutu” est de retour au Théâtre Libre jusqu’au 11 décembre. L’occasion de (re)découvrir ce ballet unique en son genre qui mêle humour, grâce et engagement, en détournant notamment le fameux vêtement de danse en brassière, en chapeau, en queue de canard ou encore en pantalon façon pilon de poulet…

Vous-êtes vous déjà tordus de rire devant un ballet ? On vous l’accorde, le phénomène parait aussi improbable qu’une aurore boréale dans le ciel de Paris tant l’humour et l’auto-dérision sont rarement conviés dans l’univers austère du ballet. Et pourtant, c’est ce qui se produit à coup sur devant chaque spectacle signé Philippe Lafeuille, chorégraphe de la compagnie barcelonaise Chicos Mambos, qui explore la danse par le ressort comique. Après Car/Men qui revisitait l’opéra de Georges Bizet avec un casting 100% masculin et qui envoyait gracieusement valsait les stéréotypes, les Chicos Mambos sont de retour au Théâtre Libre pour danser « Tutu ». Spectacle à succès depuis 2014, « Tutu » est un véritable spectacle-manifeste de l’ensemble de l’oeuvre de Philippe Lafeuille. En 20 tableaux, les 6 danseurs de Chicos Mambos interprète plusieurs registres de danse avec une virtuosité qui laisse bouche bée. Ballet classique, danse contemporaine, moderne façon Pina Bausch, tango, breakdance et même gym acrobatique,… les danseurs font la démonstration d’une technique frôlant la perfection dans chaque style de danse du plus populaire au plus pointu. Le fil rouge entre les tableaux est le tutu, cet objet ambivalent et chargé de symboles. Délicat, le plus souvent en tulle ou en mousseline et de couleur rose pâle il est, selon les codes du ballet classique traditionnel, de genre féminin et est l’apanage de la ballerine. Sur les scènes des institutions du ballet classique, il convient d’être une jeune femme plutôt très mince et belle pour l’arborer. Contournant l’interdit, Philippe Lafeuille revisite le tutu en pantalon qui évoque un pilon de poulet, en couche-culotte Pampers, ou bien encore en queue de canard. Le tutu devient ainsi un objet politique porteur d’un message : la danse appartient à tous les genres et à tous les corps.

Si certains tableaux pourraient paraître un brin lourdingues, la technique irréprochable des danseurs parvient à contrebalancer chaque clichés que « Tutu » vient effleurer de la pointe des pieds. On reste subjuguer devant le travail de pointe et le contraste entre l’imposante stature des danseurs et la légèreté des grands jetés. Avec une sincérité et une émotion palpable les six danseurs de Chicos Mambos ne perdent pas de vue leur engagement premier : l’amour de la danse, plus fort que tout.

« Tutu, la danse dans tous ses états » de Philippe Lafeuille est à (re)découvrir jusqu’au 11 décembre 2022 au Théâtre Libre.