Réinventer une beauté inclusive, non-performative et éloignée de tous les clichés qu’on lui connaît, c’est la volonté de Violette_Fr, maquilleuse autodidacte bien partie pour bousculer les règles du monde de la beauté avec sa marque du même nom.

Elle s’est choisie pour nom professionnel celui d’une fleur au parfum doux et délicat. Mais en réalité, Violette, c’est le feu du signe du Bélier, une personnalité animée par une détermination et une créativité bouillonnante. Si son visage ne vous est pas familier, sachez qu’elle en a maquillé bon nombre, plus ou moins connus, et que son talent l’a mené à la direction créative de Estée Lauder avant Guerlain où elle vient récemment d’être nommée Directrice de la Création Maquillage. En plus d’assurer à un poste capital d’une des plus grandes maisons de cosmétiques française, Violette est aussi entrepreneuse et a lancé sa propre marque, Violette_FR, en mars dernier. Entre New York, où elle vit depuis 6 ans, et Paris, sa ville natale, cette autodidacte a pensé une marque de cosmétiques à l’image de la beauté telle qu’elle la conçoit : sophistiquée mais simple, libre, bienveillante et destinée à tous.tes. Ses produits – visage, cheveux, parfums, sont faciles à utiliser et à s’approprier. En bref, Violette, c’est un peu notre Emily Weiss nationale – fondatrice de Glossier – d’ailleurs, c’est une de ses meilleures copines et c’est aussi celle qui l’a poussée à se faire connaître en créant son compte Instagram sur lequel elle partage ses vidéos de maquillage et qui rassemble maintenant plus de 410000 abonnés. Si son parcours de self made woman en impose, Violette ne cherche pas pour autant à l’édulcorer et parle très franchement des galères qu’elle a connues. De quoi démonter tous les clichés sur le monde de la beauté et au passage, sur sa propre réussite.

Cliché n°1 : Makeup artist, c’est forcément une vocation.
« Le maquillage, c’est vraiment arrivé par accident. J’étudiais la mode et l’art, et plus précisément la peinture. La formation qui m’a le plus bouleversée c’est celle d’un couple d’artistes hyper bohèmes qui me l’ont enseignée dans leur atelier au milieu des vignes dans le Sud de la France. Grâce à eux, j’ai développé un œil pour la couleur et j’ai appris à créer mes peintures en mélangeant les pigments. C’est seulement à 19 ans que j’ai eu une sorte de déclic pour le make up. Je maquillais une copine pour aller à une soirée déguisée. J’étais Wonder Woman, elle était Fantômette. J’ai appliqué des paillettes pour la première fois et j’ai compris que c’était un peu comme habiller un visage : c’est ça que j’avais envie de faire. Mais je n’étais pas du tout intéressée par le cursus classique français : faire une école de maquillage, puis assister un.e grand.e maquilleu.r.se avant de pouvoir faire ses preuves… Je savais que ça prenait beaucoup de temps. Je voulais vraiment interpréter le maquillage comme une discipline entre le Fashion Design et la peinture, alors je suis partie à New York ».

Cliché n°2 : On ne s’improvise pas maquilleuse
« Mes débuts à New York ont été très durs. Je n’ai jamais ressenti une telle solitude. J’avais 19 ans à peine et je me suis retrouvée loin de tout, de ma culture et de mes amis. Je n’avais pas d’argent pour acheter du maquillage mais quelque part, ça a aussi été ma chance. J’ai appliqué ce que j’avais appris durant mes études d’art et j’ai acheté des pigments pour fabriquer moi-même le make-up. J’ai commencé à développer des formules vivantes, des textures comme de l’or fondu sur les yeux, des choses très liquides comme en mouvement ou des explosions de pigments, qui sont devenues ma signature. Une agence de mannequin m’a laissé maquiller les modèles – sans me payer – mais grâce à ça, j’ai pu me faire un book. Je suis restée un an dans ces conditions, ça m’a complètement vidé, j’ai bossé nuit et jour pour y arriver mais j’ai fini par me faire connaître ».

Cliché n°3 : Le marché de la beauté est saturé.
« Une fois que j’ai commencé à avoir une certaine notoriété et crédibilité aux Etats-Unis, j’ai eu envie de construire une marque multi catégorie et vraiment redéfinir le make-up comme un lifestyle. Ce qui est d’ailleurs une vision de la beauté assez française. Aux US, le make-up doit aider à être performant et cela me choque. Quand j’ai quitté la France, j’ai pris conscience qu’on avait un lifestyle et une philosophie de vie hyper belle à défendre et à partager. J’ai alors décidé d’arrêter de travailler pour me réinventer artistiquement et je me suis posée la question “c’est quoi mon style ?”. J’ai passé huit mois à m’inspirer, à lire des bouquins, à regarder des œuvres d’art, aller dans les jardins botaniques et à récolter des images qui m’inspiraient. J’ai tout accroché sur un mur et au bout de quelque temps j’avais ma marque en face des yeux. C’était un univers où les filles n’avaient pratiquement pas de maquillage sur la peau, le cheveu un peu mal fait mais une ombre à paupières magnifique ou un rouge sublime. C’est là où j’ai commencé à trouver mon identité. J’ai ensuite déclenché les choses très concrètement : j’ai monté ma société aux US, j’ai développé des formules, j’ai investi moi-même parce que je voulais qu’elles soient de très haute qualité et à des prix abordables. Si Violette_FR avait un slogan, ce serait sûrement “la joie de vivre” car je pense qu’elle vient du fait de s’aimer soi-même et je n’ai pas envie que ma marque serve de béquille dans l’estime de soi. L’idée c’est d’utiliser du make-up pour s’amuser, s’exprimer, célébrer… C’est pour ça que dans mes campagnes on ne voit pratiquement jamais de make-up. »

Cliché n°4 : On ne peut plus rien inventer
« Au fur et à mesure des années, j’ai commencé à avoir des idées de produits. Quand je travaillais chez Dior, j’ai suggéré de créer des ombres à paupières liquides. En fait, sans le savoir, je leur pitchais déjà “Yeux Paints“ – mes fards à paupières liquides. Pourant à l’époque c’était techniquement impossible à développer. Ça ne séchait pas, c’était trop liquide sur les yeux et ça coulait. Alors quand j’ai lancé, “Yeux Paints”, l’une des directrices marketing de l’époque m’a envoyé un message sur Instagram pour me dire : « Ah tu l’as fait ton produit ! ». J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec des très grands laboratoires qui m’ont laissé développer des formules en partant de zéro, sans me demander des contrats faramineux. C’est une chance car nos produits on les a pas copié, on les a vraiment fait de A à Z. »

Cliché n°5 : La beauté, c’est que pour un certain type de femmes.
« Quand je faisais mon business plan, on insistait pour que je précise la cible mais il était évident que c’était pour tout le monde, y compris les hommes. Pour moi ça fait partie de mon job. Là-dessus je suis vraiment intransigeante. En tant que maquilleuse, je dois être sûre que les produits s’adaptent à tout le monde. D’ailleurs je voudrais le communiquer un peu plus : les hommes adorent mon produit Boum-Boum Milk parce qu’il est comme une crème hydratante qui passe à travers la barbe. En France, on est encore à côté de la plaque en termes de diversité et ce n’est pas qu’une question de couleur de peau ou de genre, c’est aussi une question d’âge. Pareil avec le body positive, y’a encore du boulot. »