Mixte Magazine

La Mostra de Venise 2023 restera dans les annales pour avoir mis une de fois de plus en avant des réalisateurs accusés d’agressions sexuelles et/ou de viol (Roman Polanski, Luc Besson, Woody Allen)… Et alors qu’en 2018, le festival signait un accord prônant l’égalité entre hommes et femmes dans les sélections de films, seules 5 réalisatrices ont été sélectionnées en compétitions contre 18 hommes… Bref, il y a encore du boulot. Heureusement, on peut compter sur des marques comme Miu Miu pour arranger un peu tout ça et nous offrir une autre voie plus égalitaire et respectueuse des femmes. À travers son projet Miu Miu Woman’s tales qui depuis 2011, sous l’égide de Muccia Prada, met en avant le travail cinématographique de réalisatrices, Miu Miu a présenté à Venise “Stane”, le 26e court-métrage de ce projet unique réalisée cette fois-ci par la réalisatrice croate Antoneta Alamat Kusijanović (Caméra d’or au Festival de Cannes 2021 avec Murina). Situé dans le contexte brutal d’un chantier de construction à New York, le film suit Stane, une femme à qui son père croate a légué l’entreprise familiale de construction. Soit une conversation brûlante autour des principes du pouvoir alors que Kusijanovic considère ses différentes textures au sein du genre, de la famille et de la culture. Une façon pour la réalisatrice d’évoquer l’idée du pouvoir au féminin. “Pour moi, le pouvoir ne peut pas être donné aux femmes. Car si on leur donne, on peut aussi vouloir leur reprendre. Les femmes doivent prendre le pouvoir par elles-mêmes. Chez certaines femmes, sous une armure masculine liée au pouvoir se déploie quelque chose de sensuel et de vorace », ponctue la jeune réalisatrice.

Cette notion de pouvoir au féminin, en particulier dans le monde du cinéma, a également été débattue pendant le festival au travers d’un talk engagé qui a réuni le nouveau comité de Miu Miu Women’s Tales composé désormais de la cinéaste primée et réalisatrice de Women’s Tales #5 Ava Duvernay, l’actrice, écrivaine et réalisatrice de renom Maggie Gyllenhaal, la créatrice de costumes de production et de décors Catherine Martin (deux fois lauréate d’un Oscar), ainsi que des membres cofondateurs du Miuccia Prada et Verde Visconti. De quoi rappeler à la terre entière le manque de progrès dans le domaine de l’égalité raciale et genrée. « Des papiers sont signés, mais pas respectés, a réagi Ava Duvernay. “Origin” (le nouveau film d’Ava DuVernay, ndlr) est projeté cette semaine et c’est la première fois qu’un film réalisé par une femme afro-américaine est sélectionné en compétition à Venise. Est-ce que vraiment, pendant 80 ans, aucune femme noire américaine n’a réalisé un travail digne d’être montré ici ? Je pense aussi à tous ces films qui n’ont tout simplement pas pu se faire, et cela me donne envie de pleurer. » Avant d’ajouter : « Il est violent de constater que seulement 2% des cinéastes aux Etats-Unis sont des femmes noires (…) J’aime créer mes propres petits espaces de liberté, et en même temps, rester dans le mainstream pour chercher plusieurs angles d’action possibles. »

Pour compléter le débat, Maggie Gyllenhaal, qui travaille actuellement à son deuxième film en tant que réalisatrice, a offert son point de vue éclairé sur la question posée par Miuccia Prada à travers Miu Miu Women’s Tales : y-a-t-il un art féminin ? « Je pense que certaines femmes réalisent des films ou écrivent des romans un peu différemment des hommes. Elles me parlent, à moi, de façon plus intime. Dans La leçon de Piano de Jane Campion, l’image de Holly Hunter avec la cheville attachée à son piano, au fond de l’eau, ne m’a jamais quittée. Nous avons appris le langage des hommes, mais on peut aussi en imaginer un autre”. Pour vous faire une idée, rien de tel que de regarder le court-métrage de cette 26e édition de Miu Miu Woman’s Tales,