M. Vous avez réalisé une série de pièces pour des célébrités et figures de l’empowerment, chacune à leur manière : Beyoncé, Lady Gaga, Kim Kardashian, Michelle Obama… À quel point est-ce important pour vous de lier votre vision de la mode à l’histoire de la pop culture ?
D. R. C’est l’une de mes priorités et de mes passions. Comme je vous le disais, j’adore la pop musique, les pop stars et tous ceux qui créent cette culture. Chez Schiaparelli, nous ne faisons pas de publicité, nous ne payons pas les stars pour porter nos vêtements, elles les portent parce qu’elles le veulent et qu’on leur procure quelque chose d’unique. C’est important pour moi. Maintenant les gens associent beaucoup Schiaparelli à certains événements importants où des pop stars portaient nos créations, comme de l’an dernier (en janvier 2021, Lady Gag chantait l’hymne national américain pour la cérémonie d’investiture de Joe Biden ; en mars, aux Grammy Awards Beyoncé battait le record des trophées obtenus par une artiste féminine ; en juillet, Bella Hadid montait les marches du festival de Cannes, ndlr). Elles aident à créer ces moments clés qui définissent la période dans laquelle nous vivons.
M. Vous êtes aventureux dans vos designs, en témoigne la robe verte que vous avez créée pour Kim Kardashian au bustier en forme d’abdos six packs. Quel est votre niveau de liberté ? Vous imposez-vous des limites ?
D. R. Pour moi, toutes les créations qui peuvent être un peu théâtrales, spectaculaires doivent garder le niveau du chic couture propre à Elsa. Voilà où se trouve ma limite. Car Elsa était toujours élégante, même déguisée en radis. Et c’est ça la discipline, parce que si vous faites une robe d’abdos six packs qui n’est pas chic, n’importe quel designer pourrait la réaliser à son tour. Je pense que l’héritage d’Elsa et son travail donnent la permission de littéralement faire n’importe quoi, ce n’est pas le cas de beaucoup de maisons françaises traditionnelles.
M. Cette robe a été comparée au personnage de Hulk sur les réseaux sociaux. La mode peut-elle être source d’inspiration pour la culture mème sur Internet ?
D. R. C’est assez délicat, parce qu’on peut toujours penser que quelqu’un réalise un look dans le but de créer un mème justement, et quand on s’en rend compte, cela rompt tout le charme. Je ne fais jamais un design dans cette idée de produire un mème, mais pour autant il doit y avoir cette petite chose qui puisse rendre la création iconique, parce que Schiaparelli c’est justement l’iconographie. Que ce soit les abdos pour Kim Kardashian, la colombe sur Lady Gaga, les poumons d’or de Bella Hadid ou les boucles d’oreilles Saturne créées pour Adèle, il faut qu’il y ait quelque chose que les gens retiennent, tout comme l’accroche d’une chanson pop qu’on ne peut pas oublier. Autrement, il ne s’agit que d’une belle robe ou d’un bel accessoire, et tout le monde peut faire ça.
M. En ce moment, une exposition au musée des Arts décoratifs de Paris nous plonge dans le monde surréaliste d’Elsa Schiaparelli. Dans le futur, que pouvons-nous attendre de vous et de cette grande maison ?
D. R. Ma promesse, c’est de ne jamais considérer ce job comme acquis. Et mon désir est d’aller toujours plus loin dans mon processus pour que chaque saison donne le sentiment d’un renouveau. Je veux que ce soit une thèse sur la façon dont je vois le monde, c’est un challenge personnel que je me fixe, c’est mon engagement.