PHOTO : TOBY COULSON. RÉALISATION : ALICE LEFONS. YACINE : ROBE “PAGODE” EN PLISSÉ TECHNIQUE IMPRIMÉ BALENCIAGA, BOTTINES EN CUIR AGL. WILLIAM : TABARD À CAPUCHE, TUNIQUE ET PANTALON EN NYLON MATELASSÉ CRAIG GREEN.

Suite à une première partie d’année délétère marquée par une pandémie, un confinement et des protestations sociales sans précédent, Mixte : UTOPIA, notre nouveau numéro automne-hiver 2020/21, a choisi de se consacrer au concept d’UTOPIE.

Crise sociale, sanitaire, climatique, écologique, économique ou politique : en ce début de xxie siècle, tout laisse à penser que l’époque actuelle a renoncé à l’utopie pour lui préférer la dystopie. Mais faut-il pour autant se contenter du monde comme il est et de l’Histoire comme elle vient ? Certainement pas. Le coronavirus et le confinement ont certes bouleversé les codes du monde dans lequel nous vivons, mais ils ont aussi permis des sursauts écologistes, féministes et antiracistes inédits dont l’ampleur nous a montré qu’une société sans pensée utopique était désormais inconcevable. Utopie au sens de désir d’un mieux. Car à y regarder de plus près, partout dans le monde, les femmes et les hommes se sont de nouveau mis à rêver de ce “mieux”, avec en tête la volonté de modeler l’image de la société à partir d’un idéal éthique, d’une certaine conception de la justice, du bonheur, de l’efficacité et de la responsabilité. Une société où les Noir.e.s et les personnes racisées pourraient vivre librement sans avoir peur de se faire tuer par la police. Une société où les jeunes LGBT+ pourraient exister sans craindre d’être agressé.e.s ou envoyé.e.s en thérapie de conversion. Une société où les femmes pourraient disposer de leur corps librement sans être harcelées ni gouvernées par des représentants politiques accusés de viol et d’agressions sexuelles. Une société où les soignants pourraient prodiguer des soins à tou.te.s sans que la santé ne soit vue comme un business rentable. Une société où l’urgence écologique et climatique serait enfin prise en compte sans être éternellement repoussée et mise de côté.

Comme le disait Oscar Wilde : “Aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas.”

Alors, notre monde est bel et bien digne d’un regard, tout comme l’est ce numéro “Utopia” dont les pages font la part belle à l’utopie de chacune et de chacun. Celle par exemple du photographe Toby Coulson qui a réalisé la série mode “Utopia” prise dans le contexte d’une communauté utopique intentionnelle imaginaire.

Celle des militants et activistes américains anti-Trump interrogés par le journaliste et écrivain Mathieu Magnaudeix dans son livre “Génération Ocasio-Cortez”. Celle d’une industrie de la mode à l’ère post-corona et à l’ère du virtuel. Celle du jeune photographe afro-américain Tyler Mitchell dont le premier livre “I Can Make You Feel Good” se plaît à illustrer en photos une “black utopia”. Celle également du chanteur Woodkid face au formatage de l’industrie musicale. Celle du créateur Christian Louboutin où chaque carnation du corps humain serait représentée. Ou encore celle d’Adèle Exarchopoulos où la sororité serait devenue le maître mot de toutes les femmes… Soit autant de séries mode, de décryptages, d’enquêtes et d’interviews qui démontrent que l’utopie n’est pas une lubie irréalisable. Preuve de plus, s’il en fallait : ce numéro qu’il nous semblait, dans ce contexte particulier, utopique de pouvoir vous offrir avec le même engagement et la même qualité de contenu qu’à notre habitude. Or c’est ce que nous avons fait.