ROBE EN TRICOT PELUCHEUX FLUORO BALENCIAGA. 

Poète et artiste queer pluridisciplinaire, Noam Sinseau a imaginé un poème inspiré de notre série mode “Euphoria” shootée par le photographe Fabien Montique. Une façon de célébrer le sourire et la joie de vivre comme armes de résilience.

Il y a des guerres que l’on affronte avec le cœur,

Celles qui torpillent les tranchées âmes sœurs,

Qui nous rattrapent lorsque l’on foule des contrées paisibles,

Criant, pourvu que l’amour soit un territoire hostile.

 

Il y a des guerres qui trouvent en nous la rancœur,

C’est ici que dansent les démons grands et victorieux,

Là où nos haches se retournent avec ardeur,

Laissant couler de nos veines nos plus acides aveux.

 

Il y a des guerres que l’on ne connaît guère,

Qui nous surprennent dans des arènes étrangères,

Assourdissantes par les mitrailles de fourbes fusils,

Dont la cible n’est point autre que nos douleurs infinies.

 

Des guerres, la guerre,

Celles de nos mères, celle de nos frères,

Celles qui nous brisent, celle qui nous lient,

Des luttes qui diffusent des senteurs de vie.

 

Où sont-elles ces guerres ?

De papiers, de paillettes, de cigarettes,

Celles où le temps s’arrête,

Celles de la fête,

Celles qui se consument,

Où se rejoignent sous la lumière de lune

De vaillant·e·s soldats, posthumes.

 

Elles sont ici, elles sont là,

En chaque lieu, en chacun·e qui y croit.

Ici, où la fumée n’aveugle plus que les hauteurs,

Là, où les grenades s’étouffent sous les voix,

Des voix qui chantent les hymnes de joie.

 

Regardez ces soldats,

Qui riaient, qui rient encore,

N’ont-iels pas connu la guerre ?

Celle qui nous brise et nous hante à mort,

Dressant nos corps raides de douleurs amères.

 

Ces soldats ne connaissent pas la guerre,

Iels sont la guerre.

 

Ce sont les fracas, les lambeaux, les amas de poussières,

Ce sont la rancune, les peines et les bouts de colère.

 

Ce sont eux, ce sont elles, ce sont iels.

 

Ces soldats de petits bouts,

Construits par ce monde déconstruit,

Qui rient et rient encore debout,

Telle une ôde à la vie, c’est un cri.

 

Iels sont la poudre,

Iels sont les larmes,

Iels sont la boue et le crachat des armes.

 

Ce sont eux, ce sont elles, ce sont iels,

Qui malgré la vie, malgré la mort,

S’avancent au front le sourire aux lèvres.

 

Ce sont eux, ce sont elles, ce sont iels.

Ces gais qui riaient sans savoir qu’iels étaient des guerrier·ère·s.

Cet article est originellement paru dans notre numéro spring-summer 2023 EUPHORIA (sorti le 27 février 2023).