Dans cet espace de réflexion et de création qui m’est donné, je voudrais prendre le temps de faire dialoguer l’audace avec une notion qui lui est moins souvent associée : la résilience.
L’audace est toujours présentée comme une fulgurance, une impulsion, un mouvement puissant qui nous attire en direction du monde, qui nous convainc de nous y élancer, de l’embrasser, en dépit des obstacles, des limites, de l’adversité. Tout cela est vrai, bien entendu. On a tou·te·s en nous le souvenir d’un moment où l’on a décidé d’oser rêver en grand, d’oser prendre le risque de perdre ce que l’on avait pour enfin découvrir qui l’on était et partir à la recherche de ce que l’on méritait. Très souvent, on nous invite à nous déployer dans la réalité pour triompher contre sa violence.
Mais qu’en est-il de ses silences ? Qu’en est-il des moments où la société, plutôt que de nous martyriser ou nous intimider, semble totalement nous ignorer ? Qu’en est-il des moments où notre cœur s’éteint, où notre esprit se vide, où l’on n’est plus avide de rien ?
C’est une chose d’avoir l’âme gorgée de rêves et d’oser les assumer, les verbaliser puis se lancer dans la surprenante aventure de leur réalisation. C’en est une autre de se heurter à la désillusion. C’est à ces âmes-là que je souhaite m’adresser aujourd’hui, celles sur le point de cesser de croire en l’avenir, en la vie, en ce qu’elles sont et en ce qu’elles font. Celles qui ne savent plus très bien où elles vont. Celles qui ont vu un rêve s’envoler ou se distancier et ont senti en elles – très profondément – quelque chose se briser. Celles qui, jadis audacieuses, deviennent peu à peu taiseuses.
Je voudrais parler à tous les esprits esseulés, égarés, à tous ceux qui, dans leur quête de sens, connaissent des périodes d’errance. La nausée, la gorge serrée, le sentiment d’être totalement seul·e·s même quand on est entouré·e·s, le malaise en société : autant de symptômes de ces périodes troublées. Aucun drame majeur ne s’y joue, et pourtant… on a tellement mal en dedans. Ça brûle très fort, ça nous blesse, ça nous consume et, ultimement, ça nous éteint. C’est comme si la vie n’avait plus de goût, que chaque bouchée rappelait le papier mâché d’un livre indigeste. C’est comme si plus rien ne semblait avoir de signification. Or c’est la signification que nous lui donnons qui offre à notre existence ses émotions et sa direction.
Ainsi, personne ne nous a jamais appris à être audacieux·se quand notre cœur lui-même n’est plus valeureux. Il semble pourtant que, lors de ces moments, loin d’être condamnée à nous quitter, l’audace puisse simplement changer de nature, se déplacer. Au lieu de nous permettre de nous surpasser, d’aller au-delà de nous-mêmes, elle nous force à nous retrouver, à cesser de nous dénigrer, de nous abandonner, de nous malmener.