Courtesy of Apple TV+.

Les Supermodels, série documentaire en quatre épisodes diffusée à partir du 20 septembre sur Apple TV+, retrace le parcours des Fab 4 de la mode Naomi Campbell, Cindy Crawford, Christy Turlington et Linda Evangelista . Ou comment quatre ados sorties de nulle part ont réussi à révolutionner l’industrie de la mode dans les années 1990.

Lorsque la caméra de Roger Ross Williams et Larissa Bills demande aux quatre mannequins de se définir, les amies de longues dates savent exactement quel rôle s’attribuer : Christy Turlington la beauté classique, Linda Evangelista le caméléon, Cindy Crawford la All American girl et Naomi Campbell la fierce godess. Tels des personnages tout droits sortis de l’écurie Marvel, les supermodels fascinent et arborent un côté presque surhumain tant par leur beauté que par leur charisme : « Nous étions la représentation physique de l’empowerement » avoue Cindy Crawford dans la série documentaire Supermodels à retrouver sur Apple TV+, « En se regardant dans le miroir, on a commencé à vraiment croire que nous étions des femmes fortes. » Dès 1983, les quatre amies que tout oppose se font remarquer par des directeurs de casting. Christy Turlington est repérée aux alentours de Miami durant un entraînement d’équitation tandis qu’un agent découvre Naomi Campbell en pleine rue lors d’ une session shopping à Covent Garden. Seule Linda Evangelista avoue ne pas être arrivée dans le monde de la mode par hasard : « Je ne me trouvais pas magnifique mais je savais que j’étais jolie, grande et fine. » Celle qui confie être littéralement obsédée par la mode convainc ses parents de l’inscrire dans une école de mannequinat qui l’envoie au Japon alors qu’elle n’a que 16 ans. La jeune fille y connaît ses premières déconvenues : un agent lui demande de se dévêtir afin de prendre ses mensurations puis de poser nue devant son appareil. Elle refuse et retourne immédiatement dans son pays. Christy Turlington pose quant à elle en robe de mariée dans des catalogues américains…alors qu’elle n’est âgée que de 14 ans : autre temps, autre moeurs. Une vidéo de 1986 montre Cindy Crawford invitée chez Oprah Winfrey en compagnie de John Casablancas, célèbre fondateur de l’agence Elite. La mannequin alors âgée de 20 ans raconte brièvement son parcours. Oprah lui demande de se lever de sa chaise pour exhiber son physique : « Ça c’est ce que j’appelle un corps! » clâme l’animatrice vedette. On vous aura prévenu : autre temps, autre mœurs.

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Sister Sister

 

Afin de se protéger de potentiels prédateurs, les quatre femmes se rapprochent et forment une alliance en guise de garde rapprochée, Christy Turlington et Naomi Campbell allant même jusqu’à partager un appartement à New York. Elles s’émancipent de leur famille, et commencent à comprendre qu’elles détiennent un pouvoir que peu de leur congénère possède : celui d’une beauté interstellaire. Elles changent alors littéralement le game de la mode et deviennent les premières mannequins à poser devant les photographes et à défiler sur les podiums, brisant le plafond de verre instaurant qu’une mannequin doit forcément se cantonner à un rôle précis. Avec Linda Evangelista, les deux colocataires forment la holy trinity, un surnom trouvé par le photographe de mode Steven Meisel. C’est d’ailleurs un autre photographe, Peter Lindbergh, qui propulse la carrière de la jeune femme d’origine italienne lorsqu’il lui demande de couper ses cheveux pour une séance photo. Telle une fusée, sa cote grimpe en flèche et les créateurs du monde entier la réclament. Remarquant que Naomi Campbell reste aux abonnés absents sur pas mal de défilés « alors qu’elle était la plus belle d’entre nous toutes » dixit Linda Evangelista, ses deux amies menacent les créateurs de ne pas venir défiler si leur bestie ne figure pas aussi au casting. Il fut une époque où les mannequins noires n’avaient le droit qu’à un quota de présence bien défini sur les podiums : autre temps, autre mœurs (ah non en fait c’est encore le cas.)

Cindy Crawford comprend bien avant ses copines qu’il serait intéressant de faire fructifier leur image : une leçon de capitalisme made in America en bonne et due forme. Elle convainc les producteurs d’ MTV de lui confier une émission : House of Style, un show dans lequel elle interview ses amies mannequins : « MTV m’a donné l’occasion que le public puisse me voir parler. » Une véritable révolution pour celle dont la carrière pouvait se résumer à “Sois belle et tais-toi.” Sa fanbase augmente, elle signe des contrats par dizaines et devient l’égérie de campagnes de cosmétiques qu’elle décrit comme un « golden ticket”. Passionnée de décoration, elle lance sa propre ligne d’ameublement, Cindy Crawford Home : « Je n’aime pas parler de moi à la troisième personne mais mon job est d’être Cindy Crawford. » Avouons qu’il y a pire comme métier. Le Highlight de leur carrière ? Le clip Freedom de George Michael, en 1990, dans lequel elles apparaissent toutes en compagnie des autres supermodels de l’époque. Une nouvelle ère s’impose : les mannequins font désormais partie de la pop culture. Interviewée dans le documentaire, Donatella Versace déclare qu’elles sont en réalité les toutes premières influenceuses de la mode. Mais au fait, le risque avec les fusées, ça ne serait pas qu’elles puissent exploser en plein vol ?

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Douleur & Gloire

 

« Je ne me lève pas pour moins de 10 000$ par jour », ou comment s’attirer les foudres de l’opinion publique. Si Linda Evangelista avoue aujourd’hui regretter cette phrase maladroite, le mal est fait. Les mannequins commencent à agacer, aussi bien le public que les créateurs. Celles qui ont voulu concurrencer les restaurants Planet Hollywood avec leur Fashion Café voient les clients bouder leur établissement, tandis que les directeurs de maisons de couture en ont ras la bobine de voir les supermodels éclipser leurs créations sur les podiums. « Je suis persuadé que si ma phrase avait été prononcé par un homme, les médias seraient vite passés à autre chose » confie Evangelista. Élémentaire, ma chère Linda, à croire que détruire le patriarcat ne peut pas se faire en un jour. La fin des années 90 s’annoncent un peu plus cruelle que prévu : Naomi Campbell sombre dans l’alcool et la drogue et se fait soigner en cure de désintoxication tandis que Linda Evangelista souffre de dépression. Christy Turlington reste égérie Calvin Klein jusqu’en 2007 et se consacre à des associations caritatives tandis que Cindy Crawford s’occupe de ses business, même si, de son propre aveu, elle reste aujourd’hui célèbre pour toute une génération uniquement parce qu’elle est la mère de Kaia Gerber. Que nos amies supermodels se rassurent : puisque la mode est un éternel recommencement, les quatre quinquagénaires plus en forme que jamais se voient aujourd’hui érigées au statut d’icône, reflet d’une époque qui, malgré tout, a su célébrer une certaine idée de la femme.

Les Supermodels, quatre épisodes disponibles sur Apple TV+.