LESS IS MORE
Alors que Macron nous a annoncé “la fin de l’abondance” (au fait, ça se passe comment pour vous les factures d’électricité et les pénuries alimentaires ?) et qu’on subit austérité et inflation, la mode, elle, semble se faire toujours plus riche et plus large. Volumes XXL (épaules, hanches et manches), couleurs flashy (Viva Magenta est la couleur Pantone de 2023), accessoires bling (logos, diams, gros bijoux) et attitudes camp sont plus que jamais de rigueur. Mais comment honnêtement proposer une mode “toujours plus” quand on a encore moins ? Rassurez-vous, cette exubérance stylistique à l’ère de la sobriété énergétique n’est pas aussi malvenue qu’on pourrait le penser. Alors, n’oubliez pas de baisser votre chauffage et sortez votre plus belle confiance en vous, car il y a une règle qui marche à tous les coups : plus les ressources manquent, plus on puise là où la richesse est éternelle, à savoir l’expression personnelle. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est joué pour Andreas Kronthaler lors de l’élaboration de sa collection Vivienne Westwood Printemps-Été 2023. Parti de sa garde-robe personnelle comme matière première, de vieux tee-shirts et vestes qu’il ne porte plus, avec l’envie de recycler les textiles tout en revisitant l’Histoire, le mari et directeur artistique de feue Vivienne Westwood a mis au point une collection Renaissance Drama. Des corsets, des drapés, des pourpoints et des épaules XXL inspirés par les habits de l’époque… On entend d’ici là les flûtes et les clavecins remixés version punk. Mais blague à part, face à l’appauvrissement des ressources et de la culture, rien de mieux que de se tourner vers la gloire du passé.
C’est aussi la proposition d’Olivier Rousteing chez Balmain (eh oui, encore lui) : s’amuser avec les codes de l’opulence que l’on n’a pas/plus. Fini les toiles de maître et autres chefs-d’œuvre d’architecture ? Chez Balmain, la collection fait la part belle à l’art pictural avec des imprimés issus des peintures de l’époque, dont certains en trompe-l’œil transforment les corps en œuvres d’art. Un procédé qui permet à celleux qui portent les vêtements de devenir le prochain David de Michel-Ange. Idem pour la collection J.W. Anderson SS23 qui s’amuse à détourner l’autoportrait de Rembrandt en icône pop ou encore celle du prêt-à-porter Jean Paul Gaultier nommée “Le Musée”, qui s’inspire de tableaux célèbres des maîtres de la Renaissance comme l’illustre le top “Naissance de Vénus”. Une appropriation qui, pour la petite anecdote, a d’ailleurs valu à la maison d’être poursuivie par les Offices de Florence pour “usage non autorisé” de l’œuvre de Botticelli. Mais c’est surtout sur TikTok qu’il n’existe aucune limite dans la réutilisation des œuvres d’art des XVe et XVIe siècle. Celles-ci connaissent d’ailleurs le même niveau de hype, notamment avec le Renaissance painting art challenge qui consiste à remasteriser ses selfies en tableaux de l’époque ou ceux où l’on pose ses yeux sur des portraits du XVIe siècle à la façon d’un collage. Fini le mécénat et les résidences d’artistes : en 2023, on maîtrise l’art de l’upcycling, des filtres et du “too much”.