Louis Vuitton Homme SS24

Mieux qu’une paire de sneakers, le maillot de foot est devenu la nouvelle valeur refuge mode sur laquelle miser, entre valeur sentimentale, pièce collector et objet de spéculation. Des mastodontes Louis Vuitton et Kim Kardashian aux petits labels comme Martine Rose ou Maison Château Rouge, on dirait bien que tout le monde a envie de mouiller le maillot.

Fédération Fashion de Football

 

En tant que designer, si t’as pas dessiné de maillot de foot, t’as raté ta vie. Koché pour l’AC Milan, Stella McCartney pour Arsenal, Balenciaga pour le stade rennais ou encore Wales Bonner pour la Jamaïque, depuis quelques saisons, les créateur·rice·s les plus cool signent leur maillot. Plus récemment, Martine Rose aka la créatrice britannique la plus en vue du moment a créé les tenues de l’équipe féminine américaine pour la Coupe du Monde qui s’est déroulée au mois de juillet dernier  ainsi qu’une collection en partenariat avec Nike dans laquelle elle a « fait disparaître les limites d’un style footballistique masculin ou féminin, en présentant des modèles sur mesure non genrés”. De son côté, le label parisien 3.Paradis vient de dropper un maillot spécial, Ici, c’est Paradis, produit à 1970 exemplaires (date de la création du club parisien), une pièce rare donc.

Martine Rose X Nike X

S’ils ont toujours été proches, les liens entre le foot et la mode se resserrent. Il y a quelques semaines, le club londonien des Crystal Palace est devenu le premier club de ligue 1 à nommer un directeur artistique issu de la mode, Kenny Annan-Jonathan, chargé des collections de vêtements et des collaborations mode. Une vibe similaire observée dans d’autres clubs comme au Red Star FC, club de la région parisienne dont la dernière campagne a été shootée par Sarah Makharine – également photographe pour Mixte magazine -, au Venezia Football Club ou encore à l’Athens Kallithéa FC. Ces deux derniers clubs viennent tout juste de connaître un lifting à l’esthétique pointue, dirigé par le directeur artistique Ted Philipakos et le studio de design Bureau Borsche. Là, les maillots deviennent des pièces collector à part entière et les campagnes n’ont plus rien à envier à celles des plus grandes maisons de mode. Même un club de Départemental 4, le FC Rocquancourt, une commune du Calvados, a réussi un virage à 180 degrés et à se faire connaître grâce à une direction artistique toute fraîche qui repose sur un merch stylé (dont les maillots sont déjà épuisés).

Sarah Makharine X Red Star FC

Du côté des plus grosses équipes, on mise aussi sur la caution mode tout en appelant à la nostalgie des supporters les plus hardcores. Le club londonien Chelsea FC a d’ailleurs construit toute sa dernière collection sur ce slogan “It’s a 90s thing” en droppant un nouveau maillot inspiré de celui de la saison 97/98 qui fut ultra victorieuse. Le club vient même de rééditer l’Eton Blue, son modèle iconique de 1905 dans une ambiance très Gucci like avec campagne d’affichage sauvage à l’appui. De son côté, le PSG vient de présenter Rêvons plus grand, une campagne arty d’Antoine Guilloteau à la gloire de la ville de Paris mais surtout des différents maillots de l’équipe devenus pièces de collection. Car oui, plus le maillot est vintage, plus sa cote est grande, comme en témoigne la tendance “blokecore”.

Génies from the blokecore

 

Comme de nombreuses trends TikTok, celle du “blokecore” est née d’une blague. Fan de football, Brandon Huntley porte des maillots de foot, britanniques de préférence, des jeans et des Samba d’Adidas, baskets phare des années 90. Alors que son pote le désigne comme un “bloke” – un mot d’argot qui désigne en Angleterre les supporters les plus impliqués – Brandon Huntley lâche le mot “blokecore” dans l’une de ses vidéos. Aujourd’hui, le terme compte près de 409 millions d’occurrence donnant une seconde vie à toute l’esthétique du football européen jusqu’aux Etats-Unis où la discipline reste minoritaire, voire exotique. On pense notamment à Joue la comme Beckham (2002, oui, c’était il y a plus de 20 ans) ou Hooligans (2005), ces sporty-rom com du cinéma britannique populaires au début des années 2000. Car les Y2K’s ne sont jamais très loin. Sur les réseaux, le “blokecore” se décline désormais en “blokette core”, un mélange des mots “bloke” et “coquette” dont Bella Hadid pourrait être l’ambassadrice. Cette tendance se traduit par des looks composés de maillots de foot (of course), de jupes d’écolières, et tout un tas d’accessoires “girly” comme des rubans dans les cheveux ou des socquettes à nœuds.

Maison Château Rouge
Maison Château Rouge
IL faut mouiller le maillot (et mailler)

 

Pendant les Fashion Week, le street style est devenu un stade à ciel ouvert. Même Kim Kardashian (américaine pour qui la culture de foot n’est pas celle des Européens) a sauté le pas avec un modèle de l’AS Roma datant de la saison 97/98 – faisant péter sa cote sur Ebay au passage. Prêt.e.s à investir ? Le maillot de foot est devenu un véritable objet de spéculation, dont la cote fluctue en fonction des clubs, des années mais surtout du joueur auquel il était destiné. Il existe même des experts en la matière comme Jean-Marc Leynet, commisseur-priseur et spécialisé dans l’authentification et l’estimation des objets du sport et notamment des maillots de foot. Le genre de spécialiste qui confirmerait qu’un maillot porté par Zinedine Zidane en 1998 vaut bien plus que ceux de l’équipe de France du mondial de 2010 en Afrique du Sud (remember l’élimination au premier tour et les dramas internes). Un domaine très sérieux qui fédère des communautés un peu partout dans le monde et sur les réseaux sociaux comme en témoignent de nombreux comptes Instagram tels que Off the pitch archive, Footpack ou FootyConFC.

Kim Kardashian

Si certains collectionneurs mettent parfois en vente leurs pépites (VintageFootball90 ou Thehoff180), de vraies boutiques dédiées voient le jour un peu partout comme Line-up à Paris ou Cult Kits et The Football Market en ligne. Une hype qui tombe à pic dans un domaine confronté à la problématique du recyclage étant donné la cadence des collections. Non seulement le marché des modèles iconiques est méga boosté mais d’autres solutions voient le jour. La plus créative, celle de l’upcycling, a bien évidemment mobilisé des créat.eur.rice.s comme Koché qui transforme les invendus en robes et autres hoodies, disponibles sur la plateforme Re Koché ou à l’école de mode Casa93 qui propose des ateliers d’upcycling de maillots. Flemme de coudre ? L’autre option pour les collectionneurs c’est le service d’abonnement comme Le Bon Maillot (dont le compte Instagram réuni près de 20K d’abonnés) qui consiste à envoyer une fois par mois un maillot au hasard, de celui du Japon à celui de l’AS Monaco. Une façon pour les clubs et les équipementiers d’écouler les stocks mais aussi d’infuser un message d’universalité dans le sport en déplaçant le sentiment d’appartenance à une équipe un concept plus global : l’amour du sport… et de la mode.