L’effet d’annonce combiné au mercato des nominations dignes d’un remaniement ministériel inaugure ainsi l’ère de “l’hyper-starisation des directeur·rice·s artistiques” – dans cette juste continuité des choses, la nomination du chanteur/producteur/entrepreneur américain Pharrell Williams chez Louis Vuitton n’aura finalement pas surpris grand monde. Mais c’est surtout l’arrivée à l’époque d’Alexander McQueen chez Givenchy et de John Galliano chez Dior qui met la planète mode en transe. Dignes héritiers des enfants terribles Jean Paul Gaultier et Thierry Mugler, ils forment le quatuor qui va littéralement rebooster la Haute Couture, faisant de la semaine printemps-été 1997, qui se tient en janvier, la plus médiatisée de la fin du XXe siècle, avec un rebond de 30% dans les demandes d’accréditations presse par rapport à l’année précédente – le magazine Vogue parlera en conséquence d’un véritable “big bang”, d’où le titre de cette exposition. L’intérêt pour la mode et les tendances se décloisonnent, les propositions commerciales hyper pointues se popularisent, des phénomènes comme la culture sneakers et les “it-bags” (initié par le sac Baguette de Fendi qui voit le jour cette année-là) se démocratisent. La mode investit Internet, le e-commerce est à ses balbutiements et toute une réflexion sur les corps est entamée : Raf Simons fait défiler pour la première fois des hommes frêles lors de son défilé Black Palms, loin des corps masculins huilés, bronzés et hyper sexualisés auxquels on nous avait habitué-es, Rei Kawakubo crée chez Comme des Garçons des robes aux protubérances disproportionnées et jouent sur les volumes pour mieux interroger les canons féminins de la beauté (la collection “Body Meets Dress, Dress Meets Body”), Martin Margiela conceptualise des vêtements neutre à peine achevés, en “work in progress” (la collection “Stockman”), Jeremy Scott se fout ouvertement des Rich White Women en faisant défiler des mannequins en camisole (métaphore de leur aliénation à la chirurgie esthétique) et Ann Demeulemeester imagine une garde-robe minimaliste et androgyne inspirée par la chanteuse punk Patti Smith.