Bella Hadid lors du final du défilé Coperni SS23

Huit jours, 106 événements dont 64 défilés, 42 présentations et presque autant de soirées… La Fashion Week parisienne s’achève et avec elle, un mois de la mode intense et bouillonnant (on était à ça de l’overdose…). Entre shows-performance et nouvelle garde foisonnante, une chose est sûre, Paris a définitivement mis à l’amende ses concurrentes et a largement confirmé son statut de capitale de la mode. Récap en 12 points.

1. Ici c’est Paris !
Saint Laurent SS23

Fournie en événements, super shows et happenings, la Fashion Week parisienne fut la plus riche. Pour Victoria Beckham qui défilait pour la première fois à Paris, le show fut “un challenge, un rêve”, une consécration de rejoindre la fameuse capitale de la mode. Outre des datas exorbitantes (106 événements sans compter ceux hors du calendrier officiel), la ville de Paris fut aussi célébrée par des scénographies “carte postale” lui rendant hommage. Stella McCartney a déroulé le tapis rouge devant le Centre Georges Pompidou, Givenchy dans le Jardin des Plantes, Louboutin a organisé sa présentation sur la Tour Eiffel et Saint Laurent a reproduit Place de Varsovie, un décor typiquement parisien (une fontaine et une cour pavée) façon mise en abîme de la ville dans la ville. C’est bien la capitale, c’est Paris bébé.

2. Leçons de démonstration

LOUIS VUITTON
On commence par la fin et on finit en beauté puisque c’est Louis Vuitton qui, comme à son habitude et comme à chaque saison, a été le dernier grand défilé à clôturer la fashion week parisienne et le fashion month. Pour le printemps-été 2022, Nicolas Ghesquière a fait appel à l’artiste Philippe Parreno pour concevoir une scénographie inspirée d’une grande fleur rouge avec ses pistils dardés (assez proche de la langue de feu aperçue sur le catwalk de Loewe, diront certain.e.s), construite au milieu de la cour carrée du Louvre. Un décor monumental qui a sûrement inspiré le créateur à développer une collection aux aspects démesurés. En témoignent les silhouettes plus grandes, plus colossales aux volumes plus prononcés, avec des détails agrandis et grossis comme un effet de loupe sur le corps des mannequins (coupes oversize, gros zips, gros boutons, grosses boucles, grosses attaches, grosses ceintures). Chez Louis Vuitton, la femme est hyper-célébrée et hyperbolée.

CHANEL
Cette saison, la maison Chanel a une nouvelle fois réinterprété ses classiques, lui permettant d’affirmer et d’asseoir un peu plus ses codes iconiques et ses références historiques sur la scène de la fashion week parisienne. Résultat, alors que la collection se voulait un mélange éclectique entre une inspiration tirée du film L’année dernière à Marienbad d’Alain Resnais, l’allure classique de Gabrielle Chanel, le fun de Karl Lagerfeld, la nuit, les plumes et les paillettes, on a aperçu sur le catwalk des silhouettes noires ou blanches aux imprimés déconstruits, des tailleurs-pantalons en tweed pastel, des longues robes, des mini-jupes etc. ; le tout agrémenté de nœuds, de sautoirs, de broches, de bottines ornées de strass, de colliers superposés ou encore de coudières. Bref, Chanel at its best.

CHRISTIAN DIOR
L’émancipation féminine est un thème cher à Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de la maison Christian Dior. Un thème qu’elle a continué d’exploiter pour cette saison printemps-été 2023 tournée vers la période baroque très particulière du XVIe et XVIIe siècle. Ainsi, on a pu voir des silhouettes noires, blanches ou dorées faisant référence à Catherine de Médicis (femme italienne de pouvoir à la cour française), réinterprétant les robes crinoline ou panier (avec corsets et cols en dentelle), ou encore s’inspirant du Jardin des Tuileries aux travers de broderies fleuries. En effet, la période baroque a vu la mode pour les femmes évoluer pour inclure des couleurs plus sombres et des motifs plus flamboyants afin d’embrasser les silhouettes féminines naturelles et les courbes. Logique.

MIU MIU
Pour cette nouvelle collection printemps-été 2023, Miuccia Prada a choisi de s’intéresser à la notion d’utilité du vêtement. On a ainsi pu voir défiler des silhouettes minimalistes jouant sur le layering de cotons, de soies et de cachemires, mais aussi des coupes-vents translucides, des robes en tissus techniques sportswear ou encore des brassières en nylon. Miuccia Prada n’en oublie pas pour autant ses pièces classiques comme les vestes de tailleurs, pantalons droits, manteaux, pulls et chemises qu’elle a cependant fait évoluer cette saison avec des matières inattendues (cuir patiné, denim délavé, tissu technique). Et alors que la scéno avait été signé par l’agence OMA en collab avec l’artiste Shuang Li et que cette dernière s’inspirait des infrastructures électroniques et numériques sous-marines, Miuccia n’en a pas pour autant oublié de faire un clin d’oeil à sa désormais iconique mini-jupe en la faisant notamment porter par la chanteuse FKA Twigs.

3. Shows devant! Les défilés performance

THOM BROWNE
Cette semaine de la mode a été marquée par une série de défilés plus “Oh wow !” les uns que les autres. D’abord avec Thom Browne qui a investi l’Opéra de Paris et a proposé un show et une collection inspirée de Cendrillon dans une version updatée. Tenues drama, robes crinolines, chapeaux XXL, attitudes et poses des mannequins poussées à l’extrême, couleurs vives, bande-son démente : le show était un véritable spectacle comme seul Thom Browne sait les faire ; avec en guise de final, l’actrice de la série Pose MJ Rodriguez qui a foulé le catwalk dans une cadillac rose entourée de quatre hommes faire-valoir.

BALMAIN
Moins féérique mais tout aussi surprenant, le show monumental de Balmain organisé au Stade Jean Bouin. Dans tout ce qui fait sa démesure, et avec juste ce qu’il faut de too much, Olivier Rousteing y a présenté une collection mélangeant des silhouettes aux imprimés inspirés des tableaux de la renaissance, d’autres conçues en rafia et d’autres encore jouant sur les nudes des différentes carnations des mannequins. Certains diront que le clou du spectacle fut sûrement l’apparition en chair et en os de la chanteuse Cher mais pour Mixte le moment le plus fort et le plus émouvant est sûrement quand, pour le final, Olivier Rousteing a choisi de rendre hommage à la femme noire, en ne faisant défiler qu’une cabine de dark-skin women sur 7 seconds de Youssou N’Dour et Neneh Cherry.

OFF_WHITE
Pour son premier défilé qui n’a pas été conçu par Virgil Abloh, Off-White a décidé de rendre hommage au défunt créateur avec un set et une performance inédite. Alors que le nouveau “Image and Art Director de la marque Ibrahim Kamara avait choisi de faire une collection inspirée du folklore d’Afrique de l’Ouest (dont lui-même et Virgil Abloh sont originaires), le défilé proposait un lieu recouvert d’un bleu klein et agrémenté d’une énorme cube de la même couleur dont plusieurs danseur.se.s habillé.e.s et peint.e.s eux.elles-mêmes en bleu sont sorti.e.s pour exécuter une danse rituelle chorégraphiée par le génial Nicolas Huchard.

4. Let’s celebrate : hommages et anniversaires
Akris SS23

Le doyen de la saison ? La maison Akris qui célébrait ses 100 ans. Fondée en 1922, la maison suisse est réputée pour son classicisme et ses intemporels. Et pour le prouver, le directeur artistique Albert Kriemler en a fouillé les archives et ressorti le meilleur : son premier imprimé cœurs, son manteau cache-cœur de 1978 ou encore un caban marine des années 80 qui n’a pas pris une ride.

Victoria/Tomas SS23

Ce fut aussi les dix ans du label Victoria/Tomas où la créatrice et le bébé du couple Victoria Feldman et Tomas Berzins, également créateurs de la marque, ont ouvert le show. Au programme de la fête : du love, une collaboration avec la lingerie Chantelle tout en délicatesse et des cœurs déclinés un peu partout.

Acne Studios SS23

Acne Studios, la maison suédoise a organisé pour ses dix ans de défilés parisiens, une cérémonie inspirée des fêtes de mariages cheesy avec des robes tout en dentelle et gros nœuds. Pour l’occasion, la marque avait invité Kylie Jenner, qui n’a certes pas fait tourner les serviettes mais bien applaudi les imprimés nappes Vichy et autres froufrous ludiques de la collection.

Xuly Bët SS23

Le label Xuly Bët a quant à lui, passé le cap des 30 ans en beauté avec un street show sauvage joyeux, devant l’Académie du Climat afin d’asseoir sa réputation de marque engagée. Chez Issey Miyake, on rendait hommage au designer disparu cet été avec un spectacle de danse contemporaine, chère à la maison japonaise.

5. Selling sunset on the beach

Pour l’été 2023, la mode prévoit un réchauffement chromatique, ambiance coucher de soleil à la plage ou en plein désert. D’abord chez Courrèges où un sablier géant versait du sable sur le catwalk. La plupart des mannequins défilaient pieds nus façon retour de plage, leurs chaussures à la main. Deux silhouettes au dégradé “tequila sunrise”, décliné sur un top tube et sur une jupe longue moulante donnaient des envie de golden hour. Chez Hermès, Nadège Vanhee-Cybulski avait envie de célébrer “le retour à l’extérieur” avec une rave dans le désert. C’est ainsi que des kilos de sable ont été installés pour former une dune dans le Tennis Club de Paris. Côté vêtements, les silhouettes au nuancier orangé et ponctuées de jaune et de rouge ont fini de réchauffer l’ambiance. Et pour un road trip caliente, il fallait voir les sahariennes orange délavées d’Isabel Marant, qui appelaient à la fête et à la décontraction.

Courrèges SS23, Hermès SS23, Isabel Marant SS23
6. La percée de la jeune garde
Avellano SS23, Ester Manas SS23, Germanier SS23, Weinsanto SS23, Pressiat SS23

Une fois de plus, Paris s’est imposée comme capitale de la mode, notamment grâce à la nouvelle génération de créateurs et de créatrices qui ont apporté un vent de fraîcheur à la fashion week de par leur créativité exacerbée. Que ce soit Weinsanto, Avellano, Pressiat, Germanier ou Ester Manas (que nous avons d’ailleurs célébré dans notre dernier numéro Empowerment), chacun.e a réussi à s’imposer un peu plus, à affirmer son identité et à se faire une place de choix dans l’industrie. Alors qu’Avellano nous a montré son expertise du latex et de sa fibre kinky et que Weinsanto a choisi de rendre hommage à la mode Y2K en faisant défiler certaines des Drag Queen de Drag Race France, Ester Manas a assis un peu plus son lead dans la mode inclusive et body-positive. Quant à lui, Pressiat a choisi de rendre hommage à Marylin Monroe et Iggy Pop dans une collection au glamour désinhibé quand Germanier a tout simplement cassé la baraque avec une collection sustainable ultra-glam et clinquante présentée au Palais de Tokyo en faisant défiler des silhouettes démentes et magistralement confectionnées à base de perles, de plumes, de paillettes et de sequins. Ovah !

7. Gloire aux chairs
Balmain SS23, Lanvin SS23, Rick Owens, Saint Laurent SS23, Valentino SS23

Le mantra de l’été prochain ? Faire peau à peau. Concrètement, cela donne un nuancier “skin tone”, des jeux de transparence, des drapés, des robes longues et vaporeuses, le tout au service du corps, montré, révélé, célébré. Chez Lanvin, le processus se fait tout en douceur où certaines parties du corps sont découvertes à la lueur de la mousseline diaphane. Pour Rick Owens, les silhouettes au Pantone coquille d’œuf dévoilent les corps sous des jeux de superpositions et de transparence. Sur certaines pièces, les épaules pointues donnent de la force à la démarche. Idem chez Saint Laurent et Balmain, où les silhouettes puissantes en imposent par leurs proportions, leurs matières guerrières et un nuancier ton sur ton qui feint la fusion entre le corps et le vêtement. Après avoir imposé le rose fuschia comme statement, Pierpaolo Piccioli revient chez Valentino avec des couleurs dignes des rayons de fonds de teint : des nuances d’ivoire, de beige et de brun, célébrant la beauté de chaque peau. Vivement l’été tout nude.

8. Haut les fleurs !
Le set design du show Loewe SS23

Besoin de reconnecter avec la nature ? Dites-le avec des fleurs comme aux défilés Loewe et Ludovic de Saint Sernin où l’anthurium a orné les collections. Chez Loewe, un imposant spécimen de cet espèce trônait au cœur du podium, sur certaines silhouettes, elle devient robe. Symbole d’hospitalité, Jonathan Anderson lui, l’a choisie pour son aspect plastique, comme un effet d’optique naturel. Un trompe-l’œil également décliné sur des bustiers ultra rigides laissant le doute quant à sa matière. Chez Dries Van Noten, la floraison se fait plus souple avec des mélanges d’imprimés aux couleurs tranchées. Les matières sont fluides, les volumes sont larges et donnent l’impression d’un bouquet de légèreté. Enfin, chez Off White et Louis Vuitton, les vêtements gagnent en volume avec des jeux de matières reproduisant les pétales de fleurs.

Dries van Noten SS23, Loewe SS23, Louis Vuitton SS23, Ludovic de Saint Sernin SS23, Off-White SS23
9. En mode turfu
Botter SS23, Coperni SS23, Koché SS23

L’accessoire le plus tendance du moment ? La prouesse technologique. Bien sûr, le label Coperni, formé par Arnaud Vaillant et Sébastien Meyer, sort comme grand gagnant de la saison avec sa robe en spray. Aspergée en direct sur Bella Hadid, une peinture blanche s’est transformée instantanément en matière textile au contact de la peau. Une performance technologique bien rodée, qui a cassé Instagram au passage. Chez Botter, Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter ont tenté de déjouer les lois de l’attraction, inspirés comme à leur habitude par l’univers aquatique et plus précisément par l’eau. Entre les gants faits de préservatifs remplis d’eau et les sacs bloc de glace, sortis au dernier moment du congélateur, les accessoires relevaient tous de l’expérience « petit chimiste » visant surtout à alerter sur le réchauffement climatique. Les invités avaient également de quoi s’hydrater grâce à de l’eau distribuée sous forme de dose à gober. Future is water. De son côté, Christelle Koché s’est associée à Google pour mieux “repousser les frontières” de la mode et de la technologie. Résultat : des vêtements évolutifs, tissés de diodes luminescentes et réagissant à des capteurs ou un hoodie avec chat boat intégré. Ok Koché.

10. Être dans le coup
Balenciaga SS23

Cette saison a aussi été marquée par le mood passif-agressif. Au défilé Vaquera, certains modèles ont arpenté le catwalk en mode énervé sur une bande-son techno et une luminosité brumeuse. La collection, elle, mêlait des vêtements et chapeaux inspirés par les uniformes de la marine, du denim délavé, du lamé et des franges. Chez Vivienne Westwood, où l’esprit punk est toujours aussi diffus, Bella Hadid a clôturé le show dans une robe blanche à épaulettes 80’S et les mains chaussées de gants de boxe assortis. Là, Andreas Kronthaler le nouveau directeur artistique de la maison et mari de Vivienne Westwood aurait excusé l’absence de sa femme, occupée à manifester à Londres contre le gouvernement. Et si la bikeuse d’Ottolinger en bralette néoprène et masque de plongée a des airs de Lara Croft, chez Balenciaga il s’agit d’en venir aux mains. Dans la plaine de boue de Balenciaga, certains portaient des protège-dents à logo et un maquillage “coups et blessures”. Le message de Demna Gvasalia : “la vie est un champ de bataille où il faut défendre son identité. Plus on essaie d’être soi-même, plus on se prend des coups. Le challenge est de se relever… ” Prêt.e.s pour la bagarre ?

Balenciaga SS23, Vivienne Westwood SS23, Vaquera SS23, Ottolinger SS23
11. You better work bitch !
Mossi SS23, Aigle SS23, Givenchy SS23

À la fashion week de Paris, le workwear a fait son grand retour. D’abord chez Givenchy qui a présenté au Jardin des Plantes une collection printemps-été 2023 dite “transatlantique” , c’est-à-dire principalement inspirée des vêtements cosmopolites de France et d’Amérique. Résultat, la ligne offre un regard sur les différents “uniformes de ville” à travers le monde, s’inspirant du workwear américain comme les trenchs, les blousons aviateur et les pantalons cargo en comparaison avec le tweed et les silhouettes plus élégantes du style parisien. De son côté, Aigle a intégré pour la première fois de sa longue histoire le calendrier officiel des défilés. L’occasion pour les nouveaux directeurs artistiques de la marque (le trio fondateur d’Études Studio) de proposer une collection déclinant le vestiaire utilitaire du quotidien. Chez Mossi, avec sa collection “Les Ripeurs”, il y avait une volonté de moderniser et “bouleverser le symbolisme des uniformes”. En effet, le créateur s’est inspiré de l’uniforme de travail des éboueurs, un métier qu’a exercé son père pendant 40 ans. Résultat, on retrouve entre autres déclinés le fameux vert propre à la profession ainsi que les bandes réfléchissantes sur des robes, combis, jupes, tailleurs etc.

12. La contre-soirée
Abra SS23, Maison Cléo SS23, Miaou SS23

Besoin de décompresser ? Les labels qui défilaient en off du calendrier officiel ont mis le feu aux catwalks en appelant à la teuf. Chez Abra, on aurait pu voir débarquer Paris Hilton et Lindsay Lohan période clubbing. Musique techno, cool kids en front row, cheveux gaufrés, bijoux strass sur denim et inspiration pink Y2K, la collection a envoyé du rave sauce kawaii. Autre ode aux soirées Y2K, le défilé Miaou qui avait lieu dans l’ancien siège du Parti Communiste. “Ici c’est sexy, fun, amusant”, a déclaré la créatrice Alexia Elkaim : crop tops, cargos, rayures workwear, le tout version ultra sexy ambiance nasty girl. Enfin, Maison Cléo, spécialisée dans l’upcycling sur-demande, a présenté sa collection “L’Affranchie” à base de robes en mesh, de tailles lacées et d’imprimé fuego, idéal pour enflammer le dance floor. Rejoignez le club !